On n’a pas fini de mesurer combien l’épidémie de Covid aura bouleversé les sociétés dans le monde. Non seulement sur le plan sanitaire évidemment mais aussi sur les plans socio-économique et sociétal. Les mesures de restrictions comme les confinements ou les couvre-feux que nous subissons depuis 19 mois ont souvent révélé le meilleur avec des élans de solidarité et des gestes bien concrets de générosité, mais aussi provoqué le pire en termes de tensions et violences conjugales ou familiales. Dès lors, que les violences envers des seniors aient été mesurées à la hausse par la fédération du 3977 – la ligne d’écoute nationale pour les maltraitances envers les personnes âgées ou en situation de handicap qui a reçu 36 % d’appels supplémentaires en 2020 – n’est, hélas, pas étonnant.
La violence contre les vieux, qu’elle soit physique (coups, blessures…), morale et psychologique (injures, exclusion…) ou médicamenteuses (abus ou privations de médicaments…), qu’elle intervienne dans des Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) – dont la réputation est régulièrement entachée par des scandales – ou à domicile par des personnels pourtant formés ou la famille elle-même, cette violence contre ceux qui nous ont élevés et qui n’aspirent qu’à finir leur jour dignement et en paix est insupportable et appelle autant que nécessaire des sanctions.
Au-delà, ces actes de maltraitance imposent une vraie prise de conscience sur la place des vieux dans notre société, à l’heure où certains estiment cyniquement qu’avec le Covid la jeunesse aurait été sacrifiée en leur faveur… Il y a d’autant plus urgence que de plus en plus de Français vont entrer dans le quatrième âge, l’âge de la dépendance, et qu’une majorité d’entre eux souhaite finir ses jours à domicile.
Il y a un an, une nouvelle branche de la Sécurité sociale a été créée, un cinquième risque, celui de l’autonomie. Pour 2021, selon le budget de la Sécurité sociale, cette branche sera financée à hauteur de 2,5 milliards d’euros et 150 millions d’euros en 2021 puis 200 en 2022 vont être débloqués pour renforcer l’attractivité des métiers de l’aide à domicile. Un premier pas en attendant la grande loi sur l’autonomie promise par Emmanuel Macron mais toujours pas mise à l’agenda du Parlement. Il est temps que cet enjeu de société susceptible de trouver un large consensus politique soit enfin traité. Le psychiatre Lucien Bonnafé estimait qu’« on juge du degré de civilisation d’une société à la façon dont elle traite ses fous » ; on pourrait ajouter « et dont elle traite ses vieux. »
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 22 août 2021)