Depuis qu’il a à trancher des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui lui sont soumises par tout citoyen, le vénérable Conseil constitutionnel – que le grand public ne voyait guère que lors de la proclamation des résultats des élections présidentielles – est devenu un acteur majeur de la Ve République. L’attente de la décision qu’il a rendue hier sur le projet de loi portant, entre autres, sur l’extension du pass sanitaire, montre que depuis quelques années maintenant il a, d’évidence, acquis une nouvelle dimension le rapprochant de ce que peut être la Cour suprême américaine, c’est-à-dire l’ultime instance à même de dire le droit bien sûr et le respect de la Constitution, mais aussi de trancher des enjeux sociétaux majeurs.
Il était peu probable que le Conseil censure la totalité du texte présenté par le gouvernement et rejette ainsi la vaccination obligatoire des soignants ou un pass sanitaire qui, de plus en plus dans le monde, s’impose pour freiner une épuisante épidémie de Covid-19 qui en est à sa quatrième vague. Ceux qui espéraient un camouflet pour le gouvernement et le président de la République en seront pour leurs frais.
En revanche, le Conseil constitutionnel, après quelque dix jours d’examen, a retoqué les points les plus controversés du texte, éclairé des zones d’ombre, précisé le flou de certaines parties. On pourrait dire qu’il a fait entendre la voix de la sagesse dans un climat qui vire trop souvent à la foire d’empoigne, à la violence verbale et, parfois, physique. Au final, le texte ainsi remanié apparaît comme le plus équilibré possible, le plus respectueux de la Constitution et d’une des libertés fondamentales, celle de circuler, conditionnée temporairement à la présentation d’un pass sanitaire que chacun est en mesure d’obtenir, par la vaccination, des tests très réguliers ou un certificat de rémission.
Le débat est-il pour autant clos ? Sans doute pas et les opposants – très minoritaires en l’espèce – devraient encore donner de la voix ce samedi. Car si le droit constitutionnel a été dit, il reste le ressenti sociétal et la dimension éminemment politique du dossier. Le pass sanitaire sera-t-il, comme le prétend Jean-Luc Mélenchon, « une fausse bonne idée », inaugurant entre autres une surveillance numérique que certains rêvent de pérenniser ? Ou sera-t-il, comme l’affirme Emmanuel Macron, le meilleur outil pour éviter un énième reconfinement du pays ? L’avenir le dira lorsque nous pourrons analyser la façon dont nous serons sortis de la quatrième vague.
Pour l’heure, la loi – qui « est l’expression de la volonté générale » selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel – va s’appliquer à tous.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 6 août 2021)