Jean-Michel Blanquer a beau répéter que la rentrée scolaire sera « la plus normale possible », il n’empêche que, pour la deuxième fois, elle sera bien anormale, en tout cas fortement contrariée par l’épidémie de Covid-19. Les 12,2 millions d’élèves et les 869 300 enseignants qui reprendront le chemin de l’école le 2 septembre n’en ont pas fini avec le coronavirus, d’autant plus que la quatrième vague implique un variant beaucoup plus contagieux et que les enfants de moins de 12 ans y sont particulièrement vulnérables puisque non vaccinés.
Dès lors, tandis que certains épidémiologistes alertent sur une possible « épidémie scolaire » et que la question de la vaccination des moins de 12 ans est dans le débat, le ministre de l’Education nationale a voulu rassurer hier pour apaiser les inquiétudes des parents et enseignants. Concédant qu’il y aurait des difficultés, il a assuré que la réponse du gouvernement saurait s’adapter, beaucoup mieux en tout cas qu’auparavant, à partir d’un nouveau protocole sanitaire construit sur quatre niveaux de gravité. L’objectif de l’exécutif reste, en revanche, le même que par le passé : maintenir autant que possible le maximum de classes ouvertes. Le décrochage de 500 000 élèves lors du premier confinement, mais aussi les difficultés et les conséquences de la « classe à la maison » sur le niveau des élèves sont évidemment dans tous les esprits. La France ne peut se permettre de revivre une telle situation.
Mais cette rentrée scolaire contrariée l’est aussi pour le ministre lui-même, contraint de davantage parler de problématiques sanitaires que de questions pédagogiques. Jean-Michel Blanquer – qui va battre le record de longévité rue de Grenelle détenu par Christian Fouchet le ministre de De Gaulle – arrive, en effet, à l’heure du bilan de son action. Une action pour le moins contrastée.
Au début du quinquennat, l’ancien haut fonctionnaire, plusieurs fois recteur, qui a fait toute sa carrière au sein du ministère de l’Éducation nationale, notamment à l’époque de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, a très vite été le bon élève de la macronie. Salué à droite pour son discours sur des valeurs conservatrices comme l’uniforme à l’école, la dictée quotidienne, la défense des langues mortes, le choix de la méthode syllabique pour l’apprentissage de la lecture, ou encore ses positions sur le portable à l’école ou l’écriture inclusive, il avait aussi l’onction de certains à gauche pour son discours intransigeant sur la laïcité ou le dédoublement des classes de CP. Son appétence pour des sujets méconnus comme les neurosciences ou sa volonté de remettre le chant choral au goût du jour l’ont fait apprécier des Français – comme de la Première dame Brigitte Macron.
Mais l’exercice du pouvoir, on le sait, est un puissant abrasif et l’étoile de Jean-Michel Blanquer a pâli. Là où il assurait de son pragmatisme, les enseignants ont souvent vu un vrai dogmatisme, notamment lors de la réforme du bac, et le spécialiste pondéré de l’éducation s’est parfois mué en un polémiste très politique par exemple sur l’islamo-gauchisme. Il a dû aussi en rabattre sur ses ambitions : il n’a pas décroché le ministère de l’Intérieur qu’il convoitait, et encore moins Matignon. Partie remise ? Jean-Michel Blanquer entend bien s’engager dans la prochaine campagne présidentielle car dans un gouvernement qui compte peu de personnalités fortes, il est davantage un atout qu’un handicap pour Emmanuel Macron.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 27 août 2021)