On l’a souvent enterrée, promise à un lent déclin face aux géants du numérique qui mettent des moyens colossaux dans leurs plateformes de vidéos à la demande et aux réseaux sociaux qui désormais rythment le débat public et souvent l’agenda politique. Et pourtant, la télévision – ou, plus exactement, les chaînes de télévision – est non seulement toujours là, mais elle a montré son incroyable capacité de résilience et d’adaptation à l’occasion des confinements de la crise sanitaire. Assignés à domicile pour endiguer la propagation du coronavirus à trois reprises depuis mars 2020, les Français ont, en effet, redécouvert leur télévision, à la fois pour son contenu, les programmes, vidéos ou jeux qui y étaient diffusés, et pour son contenant, c’est-à-dire un écran toujours plus grand proposant une expérience immersive toujours plus forte capable de réunir toute la famille.
Certes, le pic historique d’audience de 4 h 38 par jour en avril 2020 n’a plus jamais été atteint, et l’intérêt pour la télévision s’est érodé, mais pour le premier semestre de cette année, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a mesuré une durée d’écoute qui reste au-dessus de son niveau d’avant-crise, particulièrement à la mi-journée et le soir. En revanche, l’engouement suscité par les plateformes de vidéos à la demande comme Netflix, Amazon Prime, Disney +, Apple TV +, Salto ou OCS, ont continué leur vertigineuse progression. Cette télé à la carte, qui séduit massivement les jeunes, totalise en moyenne 8,7 millions de consommateurs quotidiens dont beaucoup de fans de séries. Paradoxalement, ces plateformes font face à l’embarras du choix dans lequel elles précipitent leurs abonnés, qui passent souvent beaucoup de temps avant de choisir leur programme. À telle enseigne que certaines comme Netflix ont comme réinventé la télé en proposant un flux continu, autant dire une chaîne. Sacrée revanche pour les acteurs historiques.
Face au poids sans cesse croissant des plateformes, le secteur de la télévision traditionnelle n’a donc pas dit son dernier mot et les dernières grandes manœuvres industrielles – rachat de M6 par TF1, convergence CNews-Europe 1 – montrent qu’une nouvelle donne est en train de se mettre en place.
Enfin, si cette rentrée télé est loin d’être spectaculaire en termes d’innovations ou de mercato des stars du petit écran, elle n’en reste pas moins marquée par la présidentielle à venir. À huit mois de l’élection, l’info apparaît comme un axe majeur de développement pour les groupes audiovisuels d’autant plus que les journaux télévisés ont réalisé leurs meilleures audiences en 2020, avec des records lors des allocutions gouvernementales liées à la crise. Et chacun sait qu’au soir du second tour de l’élection présidentielle, c’est bien devant leur télévision que seront les Français pour découvrir leur président élu.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 28 août 2021)