Une décision qui ne passe pas et déclenche la colère, une coagulation de profils très différents où la sincérité et les doutes légitimes des uns se retrouvent mêlés puis dépassés par les agendas de militants plus radicaux, professionnels de la colère et du chaos, le tout dans un climat qui dérive de la contestation à la haine, avivée par des réseaux sociaux minés par les théories complotistes et les fake news.
Il y a dans les manifestations contre le pass sanitaire et la vaccination, organisées chaque samedi depuis trois semaines, des similitudes évidentes avec le mouvement des Gilets jaunes né à l’automne 2018. L’ampleur est certes différente, les revendications beaucoup plus diffuses et fourre-tout, la récupération politicienne plus saillante, et les outrances – notamment quand certains ont comparé le pass sanitaire à l’apartheid ou ont arboré l’étoile jaune que portaient les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale – indignes et honteuses au regard de l’Histoire et de la réalité. Non, la France n’est pas une dictature…
Mais les deux mouvements illustrent toutefois des fractures françaises. Des fractures anciennes, entre les élites et le peuple, entre la France heureuse, à l’aise dans la mondialisation, et celle qui subit des discriminations sociales, économiques et géographiques ; des différences que l’on a d’ailleurs retrouvées dans les cartes de France de la vaccination publiées cette semaine.
De l’"Atlas des nouvelles fractures sociales en France" du géographe Christophe Guilluy paru en 2004 à "L’Archipel français : une nation multiple et divisée" du politologue Jérôme Fourquet paru en 2019, les signaux d’alerte ont pourtant été nombreux ces dernières années pour souligner combien le pays se divisait, se polarisait, combien les fractures se creusaient et combien il était urgent d’y apporter une réponse politique. Parce qu’il est l’actuel chef de l’Etat, il revient à Emmanuel Macron – qui ne saurait être seul comptable de ces fractures – de proposer des réponses, des solutions, sans stigmatiser un citoyen par rapport à un autre, mais en cherchant à unifier, à réconcilier.
En novembre 2018, le Président concédait qu’il n’avait "pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants." Plus de deux ans plus tard, cette difficile réconciliation reste toujours à bâtir…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du 1er août 2021)