Un aparté devant les caméras de télévision pour fustiger ses opposants qui le critiquent, plusieurs messages sur son compte Twitter pour dénoncer ceux qui voudraient « détourner » les propos qu’il a tenus durant son allocution de 11 minutes sur la situation en Afghanistan lundi soir, des ministres de premier plan et des responsables de la majorité présidentielle appelés à la rescousse et faisant feu de tout bois pour justifier les propos présidentiels. Rien n’y a fait, le malaise a persisté.
En expliquant qu’il fallait certes « protéger celles et ceux qui sont les plus menacés », mais – dans le même paragraphe – « nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants », Emmanuel Macron a, sinon commis une faute politique, fait une vraie maladresse, en opérant un « en même temps » aussi brutal que dénué d’empathie, 24 heures après la chute de Kaboul et alors que des milliers d’Afghanes et d’Afghans étaient terrorisés devant le nouveau régime islamiste des talibans.
En allant si rapidement sur le terrain de la politique migratoire chère à la droite et l’extrême droite, Emmanuel Macron a donné l’impression de répondre davantage à des impératifs de campagne électorale présidentielle que de se hisser à la hauteur de l’enjeu humanitaire. Le contraste avec Angela Merkel – qui avait déjà sauvé l’honneur de l’Europe en 2015 en accueillant massivement des réfugiés Syriens fuyant le régime meurtrier de Bachar Al Assad – voire avec Boris Johnson était, dès lors, saisissant.
Que la lutte contre l’immigration illégale soit importante, nul n’en disconvient, mais face au drame que vivent les Afghans, le Président aurait, d’abord, dû mettre en avant l’article 14 de la déclaration universelle des Droits de l’Homme qui stipule que « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. »
Si les propos d’Emmanuel Macron ont vivement ému, particulièrement à gauche, ils ont aussi suscité un élan de générosité de la part de collectivités locales prêtes à accueillir, en lien avec les services de l’Etat, des réfugiés Afghans, comme l’a d’ailleurs demandé aux pays membres de l’ONU, son secrétaire général António Guterres.
De Lille à Strasbourg, de Paris à Bordeaux et jusqu’en Occitanie – où reste si vif le souvenir de la Retirada, l’exil et l’accueil des réfugiés républicains espagnols – des initiatives voient le jour. La France, dans cette affaire, a un évident devoir d’exemplarité humaniste et républicain, non seulement parce qu’elle a inspiré la déclaration universelle des Droits de l’Homme mais parce que le pays des Lumières doit protéger les « combattants de la liberté », comme les a appelés le fils du commandant Massoud, qui, en Afghanistan, font face aux ténèbres de l’obscurantisme religieux.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 20 août 2021)