Pris à partie mercredi à Carcassonne par une passante vaccino-sceptique qui accusait le gouvernement rien moins que de "tuer la France", le Premier ministre Jean Castex avait reconnu que "la société est fatiguée, incandescente" après dix-huit mois d’une éreintante épidémie de Covid. Un constat sans doute partagé par une majorité de Français, car si le Covid-19 a provoqué une crise sanitaire majeure, il a aussi introduit le virus de la division dans les familles ou dans les cercles amicaux et professionnels. Le sujet de l’épidémie, omniprésent dans les médias et les conversations, a provoqué des débats, d’abord policés mais qui ont vite viré à la foire d’empoigne, les disputes se terminant parfois par des ruptures nettes et peut-être même irrémédiables.
Sur les masques, les confinements, les couvre-feux, les protocoles sanitaires, les attestations, l’hydroxychloroquine, les allocutions d’Emmanuel Macron, les couacs gouvernementaux et évidemment le vaccin et le pass sanitaire, les avis sont tranchés et frontaux, voire brutaux.
Que ce soit sur les réseaux sociaux – où le complotisme a, hélas, largement trouvé ses aises – dans les repas de famille ou à la machine à café, les sujets de discorde ne manquent et apparaissent épuisants pour ceux qui tentent de contrer les nombreuses fake news et se retrouvent confrontés… à la loi de Brandoloni. Énoncé par un programmeur italien, Alberto Brandolini, il s’agit d’un principe d’asymétrie qui stipule que "la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire".
Autrement dit, démonter des fake news nécessite une telle énergie qu’il vaut parfois mieux abandonner, surtout quand on sait qu’une infox se répand six fois plus vite qu’une vraie information, selon une étude du MIT publiée dans Science… Pas étonnant, dès lors, que certains décident de ne plus discuter pour ne plus se fâcher, de ne plus débattre pour ne pas se combattre…
Il va pourtant bien falloir retisser les liens avec ses proches comme dans le pays, pour faire famille et pour faire Nation. Encore faut-il s’accorder sur un socle de faits, de vérité communément admis par tous. On en est encore loin…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 15 août 2021)