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Histoire d’un fiasco

 

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À quelques heures du coup d’envoi de la saison 2021-2022, le football français a évité l’écran noir pour la retransmission des matchs de la Ligue 1. Sommée jeudi par la justice de payer la Ligue de football professionnel (LFP) et retransmettre deux matchs par journée, Canal + – qui a fait appel – va diffuser à contrecœur le foot français dès ce soir en compagnie d’Amazon, le géant américain d’internet aux appétits d’ogre dans le sport. La chaîne cryptée n’a pu résilier la sous-licence qui la liait au groupe qatari BeIN. Ce dernier a d’ailleurs lui aussi été contraint mercredi par le tribunal judiciaire de Paris de respecter le contrat le liant à la LFP et de payer cette dernière.

Cet happy end, on le sait, est évidemment provisoire tant l’imbroglio juridique est loin d’être terminé dans ce qui reste une affaire de gros sous qui a mal tourné. La LFP en porte la lourde responsabilité, elle qui s’était éloignée des acteurs historiques de diffusion pour choisir, à la surprise générale, le groupe Mediapro et sa promesse mirobolante de 800 millions d’euros. Il n’aura pas fallu six mois pour que le carrosse se transforme en citrouille et que la chaîne Téléfoot spécialement créée ne plie bagage.

D’un coup de théâtre à l’autre, la LFP a rebattu les cartes en choisissant Amazon et en déroulant le tapis rouge à la société de Jeff Bezos riche à millions : 250 millions d’euros pour 302 matchs quand BeIN et Canal doivent payer… 332 millions d’euros pour 76 matchs. On comprend dès lors que la bataille juridique est loin d’être terminée : quatre procédures au total sont ainsi lancées par Canal et/ou BeIN contre la LFP dont une qui remontera jusqu’à la Commission européenne pour "distorsion concurrentielle".

Dans ce long feuilleton, les téléspectateurs fans de foot apparaissent comme les plus lésés. Beaucoup se sentent tantôt perdus dans une offre devenue illisible, tantôt comme des "vaches à lait" obligées de jongler entre plusieurs abonnements au final très onéreux pour suivre les matchs. 75 % des Français et 59 % des amateurs de football ne savaient d’ailleurs pas sur quelles chaînes de télévision les matchs seront retransmis, indiquait un sondage Odoxa paru jeudi. Et seuls 11 % des Français et 20 % des amateurs avaient un abonnement ou comptent en prendre un… En revanche, 22 % des premiers et 40 % des seconds assurent qu’ils contourneront leur absence d’abonnement en se débrouillant pour voir tout de même les matchs. Autrement dit, le grand gagnant de ce fiasco sera bien le piratage, passé de 1,5 million personnes par mois il y a trois ans à 4 millions l’an passé.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 7 août 2021)

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