Il y a quelques mois, le monde de la gastronomie française se divisait pour savoir si les étoiles du fameux Guide Michelin étaient pertinentes, si leur attribution se faisait sur les bons critères, si elles contribuaient bien à faire connaître de jeunes chefs talentueux ou si, au contraire, elles introduisaient dans les cuisines une épuisante et insupportable pression sur les chefs étoilés et leurs brigades. Bref, derrière les fourneaux comme en salle, la France, pays de la gastronomie, se passionnait pour ce qui fait l’une de ses caractéristiques reconnues dans le monde entier et contribue à son art de vivre. Un art de vivre aujourd’hui autrement plus menacé…
Depuis l’arrivée du coronavirus et la fermeture, le 14 mars au soir, de tous les bars et restaurants du pays, en prélude au confinement instauré trois jours plus tard, c’est bien tout un secteur qui est en souffrance et qui voit de sombres nuages obscurcir son avenir. Car si la phase de déconfinement démarrera bien le 11 mai prochain, les cafés et restaurants resteront encore fermés pour une durée indéterminée.
Cette incertitude ajoute à l’angoisse de milliers d’établissements déjà privés depuis un mois de clientèle. 40 % pourraient in fine ne jamais se relever de cette épreuve. En interpellant hier dans une tribune Emmanuel Macron pour lui demander la réouverture des cafés et restaurants le plus rapidement possible, les chefs du Collège culinaire de France lancent un SOS qui doit être écouté et, mieux, entendu. En proposant cinq engagements pour sécuriser sanitairement les établissements et rassurer la clientèle, le Collège montre combien la profession est prête à se réinventer. Et d’ailleurs, depuis le début de l’épidémie, nombre de restaurateurs poursuivent leur activité en proposant vente à emporter ou livraison de leurs repas.
Mais il faudra sans doute plus que cette farouche volonté de porter haut les couleurs de la gastronomie française dans toute sa diversité. Car si les gros établissements pourront toujours réaliser les investissements nécessaires, combien de petits ne pourront pas suivre, soit parce qu’ils n’auront pas les financements, soit parce que leur café ou restaurant ne sera tout simplement pas réaménageable pour respecter de nouvelles règles sanitaires ?
Les aides promises par le plan de relance du gouvernement ou celles des collectivités vont dans le bon sens, mais il faudra aussi une mobilisation de toute la société pour sauver notre art de vivre, et tous ceux, grands ou petits, qui ont contribué à le créer.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 21 avril 2020)