En annonçant lors de sa quatrième allocution devant les Français la réouverture progressive des crèches, écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai, Emmanuel Macron a suscité, chez les parents, les enseignants et les élus locaux, de sérieuses interrogations sur la faisabilité d’un tel projet. Une semaine plus tard, celles-ci sont loin d’être toutes levées, en dépit des premières mesures dévoilées hier par le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer.
Deux logiques semblent avoir été à l’œuvre pour décider de la réouverture des établissements scolaires.
La première – et officiellement la seule – invoquée par l’exécutif est une logique éducative. Elle consiste à dire que la réouverture des écoles était nécessaire pour empêcher le creusement des inégalités entre élèves. "Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents. Dans cette période, les inégalités de logement, les inégalités entre familles sont encore plus marquées", observait, à raison, Emmanuel Macron le 13 avril. De fait, la continuité pédagogique qu’ont maintenue dans leur grande majorité et non sans difficultés les enseignants – inventifs et professionnels – et les parents – patients et attentifs – a laissé sur le carreau un certain nombre d’enfants. Il était donc normal que l’Education nationale fasse tout pour récupérer ces décrocheurs.
La seconde logique, mise en avant par l’opposition et certains enseignants, est purement économique. Elle consiste à dire que la reprise de l’école est essentiellement faite pour permettre aux parents de reprendre dès que possible leur travail et contribuer ainsi à amoindrir la période de récession économique historique à venir que chacun redoute.
La question n’est finalement pas de savoir laquelle des deux logiques a forgé la décision de l’exécutif – sans doute un peu des deux – mais plutôt pourquoi ce dernier n’a pas suivi la logique sanitaire des scientifiques de l’Inserm qui n’envisageaient pas une réouverture des écoles avant septembre et estimaient, à l’instar d’autres pays, que le principe général est de déconfiner dans l’ordre inverse du confinement...
Contraint désormais de tenir cette date du 11 mai – qui constitue aussi un horizon pour les Français qui subissent le poids du confinement – l’exécutif se heurte à la complexité de la mise en œuvre de la réouverture et à la difficulté d’offrir suffisamment de garanties sanitaires à la communauté éducative et aux maires qui se retrouvent en première ligne.
Autant dire que la reprise est un pari périlleux.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 22 avril 2020)