À quoi reconnaît-on une crise majeure ? Sans doute à la propension des populations à se ruer dans les supermarchés pour faire des stocks de produits essentiels. Pâtes, riz, farine, papier toilette… chacun anticipe, à l’aube de jours difficiles, une pénurie, fut-elle fantasmée. Première guerre du Golfe, état d’urgence lors des attentats de 2015, et donc maintenant épidémie du coronavirus. La peur – légitime – de manquer pour soi et ses proches est partagée d’ailleurs par tous les pays touchés par la pandémie de Covid-19.
Mais une fois les premiers jours passés, lorsque la crise s’installe dans la durée, en l’occurrence avec un confinement inédit qui touche aujourd’hui un tiers de l’humanité, ce sont nos comportements de consommateurs qui changent et toute la chaîne de l’agroalimentaire qui s’adapte.
Cette épidémie historique permet ainsi de mettre au jour au moins deux choses.
La première, c’est la robustesse de notre système. Des hypermarchés aux petites supérettes en passant par les supermarchés, sans oublier les marchés, tout le monde a répondu présent pour permettre la continuité de la vie quotidienne. À cet égard, il convient de saluer tous ceux qui sont en "deuxième ligne" après les soignants selon l’expression d’Emmanuel Macron : chauffeurs routiers, livreurs, magasiniers, caissières… Autant de professionnels jusqu’ici invisibilisés voire ignorés ou méprisés et qui reçoivent, aujourd’hui, les remerciements très mérités des Français. Même s’il leur reste encore à faire des efforts dans la juste rémunération des producteurs, les grandes enseignes ont également fait des gestes importants comme le blocage des prix de certains produits.
La seconde conséquence de l’épidémie concerne chacun d’entre nous. Depuis le début du confinement, nos habitudes ont changé pour remplir notre frigo et nous prenons plus que jamais conscience de notre responsabilité de consommateur. Est-il pertinent d’acheter des produits venant de très loin, certes bon marché mais peu qualitatifs ? N’est-il pas préférable d’acheter – et de cuisiner – des produits locaux qui vont permettre à des agriculteurs de poursuivre leur activité au bénéfice du territoire sur lequel nous vivons ? Autrement dit, acheter "dans ma zone" plutôt que sur Amazon pour reprendre le slogan malin de la Région Occitanie.
Ce retour à la proximité, la volonté de relocaliser, de soutenir des circuits courts plus vertueux sera, n’en doutons pas, l’une des conséquences du coronavirus qui pourrait bien rester après la crise.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 18 avril 2020)