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L’école et les inégalités

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La perspective d’une réouverture lundi 11 mai prochain, même progressive, des crèches, écoles, collèges et lycées, annoncée lundi soir par Emmanuel Macron lors de sa quatrième allocution solennelle devant les Français, constitue sans nul doute une bonne nouvelle pour tous les parents contraints de faire classe à leurs enfants depuis le 16 mars dernier. Durant ces semaines confinées, la continuité pédagogique a pu être assurée aussi bien que possible par des enseignants qui ont déployé des trésors de professionnalisme et d’inventivité devant leurs classes virtuelles, et des parents qui ont dès lors mesuré combien l’école est tout sauf une garderie. Certes le 11 mai reste encore un objectif à atteindre, certes la réouverture sera progressive en fonction de la situation de l’épidémie du Covid-19, certes il reste encore beaucoup à faire pour réorganiser cette reprise, notamment en termes de sécurité sanitaire pour les personnels et les élèves, et certes, commencer le déconfinement avec les enfants peut légitimement inquiéter. Mais la perspective de voir les écoles rouvrir contribue à cet "espoir qui renaît" de retrouver une partie importante de la vie d’avant.

Cette décision présidentielle, éminemment politique, procède également d’une prise de conscience capitale – et nouvelle – de la part de l’exécutif sur la façon dont le coronavirus attaque le corps social du pays et révèle – ou réveille – des inégalités sociales devenues insupportables. "La situation actuelle creuse des inégalités. Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents", a déclaré Emmanuel Macron qui a semblé découvrir que la réussite de la scolarité des enfants dépend évidemment de la situation sociale, financière et matérielle de leurs parents. Une louable prise de conscience qui n’avait pas eu l’heur de toucher le gouvernement au moment de généraliser le contrôle continu dans la récente réforme du baccalauréat ou d’y introduire une épreuve orale pour laquelle les élèves les plus modestes ne sont pas forcément les mieux armés, faute de disposer d’un environnement familial fécond.

On ne sait si Emmanuel Macron a relu Condorcet qui expliquait en 1792 que "l’inégalité d’instruction est une des principales sources de tyrannie", mais il est allé puiser aux sources de la République la conclusion de son allocution en évoquant l’article 1er de la déclaration des Doits de l’Homme et du Citoyen de 1789. "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune", a ainsi rappelé le Président, actant l’importance qu’il faudra accorder à l’avenir à toutes ces professions (soignants, enseignants, caissières, livreurs…) qui n’étaient jusqu’à présent pas les variables principales du logiciel macronien et de la "start-up nation."

En invitant chacun de nous à se réinventer, Emmanuel Macron promet d’opérer pour lui-même un inattendu changement qui sonne comme le rappel que notre République, dont l’école est le cœur, est bien une République sociale…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 15 avril 2020)

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