Jusqu’au bout ils ont voulu y croire. Jusqu’à ces derniers jours encore, les organisateurs des grands festivals qui font la renommée de la France et la joie de nos étés ont voulu croire qu’il serait encore possible de se retrouver ensemble en juillet et en août pour célébrer nos retrouvailles d’après confinement. Les espoirs ont été vite douchés par la dernière allocution d’Emmanuel Macron. "Les lieux rassemblant du public, restaurants, cafés et hôtels, cinémas, théâtres, salles de spectacles et musées, resteront fermés [après le 11 mai]. Les grands festivals et événements avec un public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu’à mi-juillet prochain", déclarait lundi dernier le chef de l’Etat, déclenchant dès lors une série d’annulations, au pire, ou de reports, au mieux. Aix-en-Provence, Orange, Montpellier, Solidays, Hellfest, Francofolies, Avignon, etc. : autant de rendez-vous familiers qu’il faut désormais retirer de nos agendas.
Pour les festivals, l’été 2020 risque donc d’être un été meurtrier. Mais surtout, victimes du Covid-19, certains d’entre eux ne s’en relèveront pas. Et ce n’est pas l’étonnant concept de "petits festivals" évoqué par le ministre de la Culture Franck Riester – autant dire une fête de village ou une réunion familiale raillent les professionnels – qui changera la donne. Car depuis plusieurs années, partout en France, les festivals ont grandi, gagnant en maturité comme en notoriété, en professionnalisme comme en succès populaire, et ils se sont ancrés dans le paysage des territoires dont ils constituent un volet économique important en même temps qu’ils poursuivent un objectif de démocratisation de l’accès à la culture et de création de lien social. Car les festivals, ce sont non seulement des artistes qui brillent sur scène, mais aussi des techniciens, des organisateurs, des compagnies, des responsables de lieux et des intermittents du spectacle qui se retrouvent aujourd’hui plongés dans des difficultés insondables. Et aussi d’importantes retombées économiques.
L’État – à raison – a enclenché un vaste plan d’urgence pour soutenir l’économie, sauver des filières comme l’aérien ou le tourisme. Il est aussi urgent que l’Etat, aux côtés de Régions qui se sont déjà mobilisées pour certaines, comme l’Occitanie, offre un soutien à la hauteur de la crise au monde de la culture. Car à l’heure où le monde d’après s’invente, on a plus que jamais besoin de la culture qui, disait André Malraux, "est ce qui répond à l’homme lorsqu’il se demande ce qu’il fait sur terre…"
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 19 avril 2020)