Accéder au contenu principal

Compte à rebours

edouardphilippe
Edouard Philippe et Jérôme Salomon. Photo gouvernement.fr


"La première victime d’une guerre, c’est la vérité." L’assertion de Rudyard Kipling peut-elle s’appliquer à la "guerre" contre le coronavirus qu’Emmanuel Macron avait martialement évoquée lors de son allocution du 16 mars ? En tout cas, la pandémie du Covid-19 charrie son lot de mensonges depuis son apparition. Mensonges d’abord à Wuhan, l’épicentre initial de l’épidémie, sur l’origine même du virus, sur le début de la contagion et le nombre réel de victimes. Mensonge aux Etats-Unis où l’on voit Donald Trump inciter ses propres concitoyens à braver les consignes de confinement pourtant cruciales, décidées par des gouverneurs démocrates, dans le seul but de faire "redémarrer" l’économie américaine dont il espère tirer un bénéfice électoral pour la présidentielle de novembre. Mensonge en Grande-Bretagne où Boris Johnson se vantait de continuer à serrer des mains au lieu de mettre en place un confinement qui lui aurait sans doute évité d’être contaminé. La conséquence de ces mensonges ou de ces approximations est double : méfiance des populations envers les discours des autorités et prolifération inquiétante des fausses informations.

Dans ce contexte, la France n’est pas en reste puisque, selon un récent sondage, 76 % des Français pensent que le gouvernement leur a menti "en les dissuadant de porter des masques parce qu’il n’y en avait pas suffisamment pour les soignants" et une large majorité estime qu’on lui cache des choses. L’exécutif, qui a hérité d’une situation de pénurie de masques, a beau mettre en avant sa volonté de transparence et marteler que chacune de ses décisions est prise à l’aune d’un conseil scientifique, sa communication n’a cessé d’être brouillée par des propos à l’emporte-pièce sur l’arrivée de l’épidémie en France, le bien-fondé de masques pour tous ou plus récemment sur le confinement prolongé des seniors, dont l’idée a été rapidement enterrée par Emmanuel Macron.

C’est dire si la conférence de presse du Premier ministre hier était très attendue. Pour Édouard Philippe, qui a dû parfois rattraper les couacs de ses ministres, il s’agissait de redonner confiance. Après l’allocution générale toute en humilité du chef de l’Etat lundi dernier, il fallait hier, dans la perspective de l’après-11 mai, dire que le gouvernement maîtrise une situation aussi complexe que mouvante en dépit de toutes les difficultés, des dysfonctionnements soulignés par Emmanuel Macron et des polémiques.

Pour Edouard Philippe, la tâche était donc ardue : rassurer les Français sans pouvoir rien leur dire des mesures du plan de déconfinement du gouvernement qui sera présenté d’ici 15 jours. En balayant très – trop ? – longuement une grande diversité de sujets mais en n’évoquant que les grands principes du déconfinement à venir, Édouard Philippe a lancé le compte à rebours en jouant la carte de la transparence. Quitte à laisser les Français sur leur faim.

(Editorial publié dans La Dépêche du lundi 20 avril 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Le prix de la sécurité

C’est l’une des professions les plus admirées et respectées des Français, celle que veulent exercer les petits garçons et aussi les petites filles quand ils seront grands, celle qui incarne au plus haut point le sens de l’intérêt général. Les pompiers, puisque c’est d’eux dont il s’agit, peuvent évidemment se réjouir de bénéficier d’une telle image positive dans l’opinion. Celle-ci les conforte et les porte au quotidien mais si elle est nécessaire, elle n’est plus suffisante pour faire face aux difficultés qu’ils rencontrent au quotidien, opérationnelles, humaines et financières. Opérationnelle d’abord car leurs missions ont profondément changé et s’exercent avec plus de contraintes. De l’urgence à intervenir pour sauver des vies – presque 9 opérations sur 10 – on est passé à des interventions qui ne nécessitent parfois même pas de gestes de secours et relèvent bien souvent davantage de la médecine de ville voire des services sociaux. C’est que les pompiers sont devenus l’ultime recour...

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...