"L’enfer n’existe pas pour les animaux, ils y sont déjà" disait Victor Hugo. Certes la phrase du grand homme a été prononcée au XIXe siècle, une époque où les animaux n’avaient aucun droit. Mais les choses ont-elles réellement changé ? Les images terribles diffusées régulièrement par l’association de défense des animaux L214 ne montrent-elles pas l’enfer que subissent des poules, des canards ou des cochons dans des élevages indignes ? Les images d’oiseaux pris dans la glu, de gibier massacrés lors de chasse à courre au nom de méthodes de chasse ancestrales n’attestent-elles pas de la cruauté envers les animaux ? Les trafics d’animaux, en France, en Europe comme partout dans le monde, qui perdurent en dépit des conventions internationales comme celle de Washington et le travail des douanes, ne montrent-ils pas l’ampleur du travail qui reste à faire ? Plus près de nous encore les animaux faméliques et malheureux dans des cirques ou certains parcs animaliers n’existent-ils pas ? Et que dire des abandons d’animaux chaque été ?
L’enfer pour les animaux est bien là et tous ces exemples montrent bien qu’il faut aller plus loin que la loi de 2015 qui a reconnu dans le droit qu’un animal est "un être vivant doué de sensibilité". Celle-ci était l’aboutissement de deux phénomènes. D’une part l’étude commencée dans les années 70 dans les universités des relations entre l’Homme et l’animal, qui ont débouché sur la notion d’éthique animale. Et d’autre part l’émergence de mouvements militants, parfois aux actions chocs voire illégales : spécisme, welfarisme (reconnaissance du ressenti de la souffrance par les animaux), abolitionnisme de toutes les formes d’exploitations animales, mais aussi le végétarisme ou le véganisme.
Aujourd’hui, il faut aller plus loin tout simplement parce que les Français y sont prêts. Le référendum d’initiative partagée (RIP) qui a réuni en quelques semaines près de 580 000 signataires propose six mesures fortes en faveur du bien-être animal. Différents sondages montrent que les Français sont de plus en plus sensibles à la condition animale. 95 % d’entre eux s’accordent à dire qu’un animal a des droits et une large majorité se dégage pour prendre des mesures importantes pour changer la donne.
La balle est désormais dans le champ politique. Des députés ont écrit plusieurs propositions de loi contre la maltraitance. Mais c’est bien un signal que l’on attend désormais du gouvernement, à la fois dans sa capacité à résister à tous les lobbys – et ils sont nombreux – partisans du statu quo, mais aussi aux demandes les plus radicales qui voudraient nier les progrès réalisés par de nombreuses filières agroalimentaires entachées par le comportement indigne de certains, ou réclamer une citoyenneté animale. Ce chemin de crête s’est élargi avec la mobilisation citoyenne. "Les devoirs que nous avons en fait envers les animaux sont des devoirs envers l’humanité car les animaux sont un analogon de l’humanité. Un homme cruel envers les animaux le sera aussi envers les hommes", disait le philosophe Emmanuel Kant. Donner plus de droits aux animaux est donc éminemment un projet permettant d’élever l’humanité.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 26 août 2020)