Accéder au contenu principal

La rentrée anormale

Blanquer


 La scène se passe le 26 avril dernier. Alors que l’épidémie du coronavirus sévit en Europe et que la France en est à sa 6e semaine de confinement, les réseaux sociaux s’emballent autour de photos venues de Chine, de Hangzhou précisément, la grande métropole du Zhejiang, habitée par plus de 10 millions de personnes. C’est un jour de rentrée scolaire après quatre mois de vacances forcées et on voit les écoliers arborer de drôles de chapeaux affublés de chaque côté de tiges d’un mètre : la solution trouvée par les autorités et les enseignants pour faire respecter aux enfants le mètre de distanciation physique. Dans une autre vidéo publiée le 14 mai, on voit les enfants entrer dans une école et suivre un parcours millimétré avec prise de température, lavage des chaussures, des habits et des mains sous la supervision d’un personnel très attentif. Ces scènes avaient fait sourire à l’époque. Aujourd’hui elles feraient presque rire jaune, particulièrement les parents d’élèves et les enseignants français qui s’apprêtent à reprendre le chemin de l’école pour une rentrée la plus compliquée qui soit et qui aimeraient sans doute des mesures aussi draconniennes qu’en Chine pour calmer leur inquiétude....

La publication en catimini, le 5 août, au cœur de l’été, d’un nouveau protocole sanitaire pour la rentrée qui a allégé les préconisations du précédent, notamment pour la distanciation sociale, n’a, en effet, pas été de nature à rassurer parents et enseignants, alors que les cas de contamination sont depuis repartis à la hausse. Les récents propos du président du Comité scientifique Covid-19, n’ont, eux aussi, pas été rassurants pour la communauté éducative. "Il y aura des enfants qui vont se contaminer et il y aura probablement quelques enseignants qui vont se contaminer. Eh bien on va le gérer", a sèchement – et très maladroitement – assuré le Pr Delfraissy, rajoutant qu’"il n’y a pas de risque zéro". Certes, mais à quelques jours de la rentrée, de tels propos sans filtre ne sont pas de nature à apaiser les enseignants comme les parents qui ont été nombreux à nous interroger. Quant à la question – légitime – de la gratuité des masques devenus obligatoires pour les élèves de plus de 11 ans, la fin de non-recevoir prise par l’exécutif – à l’encontre même de certains parlementaires de la majorité présidentielle – après le Conseil de défense de mardi , elle reste difficilement compréhensible quand plusieurs départements et régions, dont l’Occitanie, vont distribuer gratuitement des masques aux collégiens et lycéens.

La crise sanitaire est complexe, mouvante et l’exécutif doit sans cesse s’adapter. Mais au final, cette rentrée si importante pour la scolarité des élèves, qui aurait nécessité une préparation millimétrée, une communication au cordeau, en s’inspirant peut-être de ce qui s’est pratiqué à l’étranger, et sans doute de nouveaux moyens pour l’école, laisse l’impression brouillonne d’une impréparation. Hier le ministre de l’Education nationale a tenté de rassurer et les parents et les enseignants. Les jours qui viennent diront si les précisions apportées auront été suffisantes. "L’objectif est d’avoir une rentrée normale, et c’est notre scénario principal", assurait Jean-Michel Blanquer fin juillet. Mais cette rentrée sera bien tout sauf normale...

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 27 août 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparation po

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah –

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m