En arrivant à Matignon le 3 juillet dernier en remplacement d’Edouard Philippe, Jean Castex avait une feuille de route simple fixée par le président de la République : incarner la nouvelle – et dernière – séquence du quinquennat d’Emmanuel Macron, préparer la relance économique de 100 milliards d’euros après le déconfinement dont il avait été l’architecte, accompagner la nouvelle politique du "monde d’après" conçue notamment autour de la restauration de la souveraineté industrielle et de l’action en faveur de la transition écologique. Le tout avec une nouvelle méthode tout en rondeur, faite de dialogue et de considération avec les collectivités locales qui avaient été snobées dans les premières années du quinquennat. La gestion de la crise sanitaire passait ainsi presque au second plan, derrière la gestion de la crise économique, la plus sévère qu’ait connue la France depuis la fin de la Seconde Guerrre mondiale. Le Tour de France estival de Jean Castex, qui a multiplié les déplacements, devait préparer cette rentrée axée sur un redémarrage du pays et sur la confiance retrouvée en l’avenir.
Las ! C’était sans compter sur l’imprévisibilité de l’épidémie de coronavirus qui a commencé à repartir partout en France et qui a contraint le gouvernement à différer d’une semaine la présentation du plan de relance. "Priorité santé", a dit le Président à une semaine d’une rentrée qui angoisse près de deux parents d’élèves sur trois, donne le mal de tête aux chefs d’entreprises contraints de s’adapter à un protocole sanitaire plus strict, et inquiète une majorité de Français dont une bonne partie habite désormais dans une commune où le port du masque est obligatoire en extérieur. 74 % d’entre eux se disent désormais inquiets concernant la propagation du coronavirus en France, 18 points de plus qu’au début de l’été selon le sondage Elabe paru mercredi…
Face à cette situation, qui préfigure peut-être la seconde vague épidémique dont parlent certains experts, le gouvernement, qui veut éviter un reconfinement général, a dû réagir en organisant hier une conférence de presse.
Jean Castex a dégainé de nouvelles mesures à même de resserrer les boulons de la vigilance des Français. Surtout, avec cet exercice, le Premier ministre a mesuré toute la difficulté de tenir une communication a priori contradictoire. D’un côté, rassurer les Français pour qu’ils retrouvent le chemin de l’école, du travail et des commerces en manque de clients, et de l’autre, ne rien leur dissimuler d’une situation sanitaire qui pourrait déraper s’ils ne font pas preuve de "responsabilité" dans le respect des gestes barrière… Le tout en leur assurant que l’Etat est paré pour faire face à une seconde vague de l’épidémie. Jean Castex espère pouvoir avancer sur ce chemin de crête avec son "pragmatisme" pour boussole, afin de susciter la confiance. Un chemin où il vaut mieux ne pas faire de faux pas…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 28 août 2020)