L’affaire de Sainte-Marie-la-Mer pourrait bien sûr faire sourire. En 2020, voir deux gendarmes demander à des vacancières en train de bronzer sur une plage de bien vouloir recouvrir leurs seins pour ne pas choquer des voisins anonymes qui ont cru bon de faire appel à la maréchaussée est une scène qui semble tout droit sortie d’un mauvais vaudeville des années 60 ou d’un film du gendarme de Saint-Tropez. Face à l’ampleur de la polémique, la gendarmerie plaide "une maladresse". Il s’agit surtout d’une faute, commise par deux fonctionnaires qui, d’évidence, ont ignoré la loi pour répondre à une demande dictée par les tenants d’une nouvelle pudeur. Et c’est là que l’affaire est tout sauf anecdotique. Car si le fait de bronzer seins nus relève d’une liberté garantie et encadrée par la loi, fruit d’une longue et difficile conquête des femmes, il est aussi la cible de tous les obscurantismes – dogmes religieux, néo-conservatisme puritain à l’américaine mais aussi diktat de certains magazines féminins – qui ne rêvent que de renvoyer les femmes dans leur foyer, soumises à leurs maris et dépossédées de la maîtrise de leur propre corps.
Les réactions politiques indignées, de tous bords, face à cette énième affaire sont heureuses. Car depuis plusieurs années maintenant, chaque été, et les enquêtes le montrent, cette pression – morale, religieuse ou sexuelle – qui s’exerce sur les femmes s’est accentuée et conduit à ce que des jeunes filles n’osent plus bronzer seins nus, considérant pour certaines que ce choix est désormais devenu théorique.
À l’heure où l’on célèbre le cinquantenaire du Mouvement de libération des femmes (MLF), on mesure combien il est urgent de défendre les acquis des femmes et combien est encore long le chemin qui reste à parcourir pour qu’advienne une réelle égalité femme-homme. "Ne laissez rien passer dans les gestes, le langage, les situations, qui atteignent à votre dignité. Ne vous résignez jamais !" écrivait aux femmes Gisèle Halimi dans son livre-testament "Une farouche liberté." Une liberté dont la défense ne doit laisser place à aucune résignation et au contraire mobiliser l’ensemble de la société.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 30 août 2020)