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Le désespoir et la colère

 

beirut
Photo Anchal Vohra

Aux images du fracas de l’explosion puis à celles des dégâts immenses qui ont ravagé la moitié de Beyrouth mardi soir, les Libanais ont partagé en masse sur les réseaux sociaux une courte vidéo qui marquera. On y voit un appartement dévasté aux fenêtres éclatées. Dans ce chaos, une vieille dame assise devant son piano, imperturbable de dignité, joue "Ce n’est qu’un au revoir"… La scène dit tout de l’incroyable capacité de résilience des Libanais qui ont connu tant et tant de malheurs, quinze années de guerre, les attentats, les tensions avec leurs voisins, la crise économique et ses privations, celle des migrants et celle du coronavirus. 

En venant hier à Beyrouth après ce nouveau drame qui endeuille le pays, Emmanuel Macron a voulu saluer cet état d’esprit à l’heure où le désespoir fait vaciller les plus solides des habitants. Comme avant lui ses prédécesseurs – François Mitterrand en 1983 et Jacques Chirac en 2005 – le chef de l’Etat est venu dire que "le Liban n’est pas seul" et qu’il peut compter sur la solidarité et l’aide de la France, la "mère de la patrie", l’alliée de ce petit Etat né par sa volonté au siècle dernier et aujourd’hui à terre. Ou plus exactement que le peuple libanais peut compter sur le soutien et l’amitié indéfectible du peuple français… La nuance, faite par Emmanuel Macron lui-même, est de taille. Car le Président, qui a déambulé dans les rues de la ville sinistrée en bras de chemise à la rencontre des habitants, a mesuré toute la colère des Libanais contre leur classe politique corrompue et entendu l’appel de certains d’entre eux à les aider à "changer de système."

En proposant un "nouveau pacte politique" à tous les acteurs, le président français évite d’être taxé d’ingérence et renvoie aussi chacun à sa responsabilité… quitte à invoquer celle, historique, de la France en cas de statu quo. Car pour que le Liban puisse se reconstruire – et la tâche est titanesque – il faut effectivement qu’il se transforme, politiquement et économiquement, qu’il fasse les réformes démocratiques qu’attend sa population dont une majorité est désormais proche ou sous le seuil de pauvreté. Les Libanais, accablés de douleur depuis mardi, veulent croire à la possibilité d’une nouvelle ère avec le soutien de la France. Ils méritent toute notre aide pour que la colère conjure le désespoir, pour que le Liban sorte enfin de ses difficultés et puisse être, à nouveau, le pont entre l’Orient et l’Occident.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 7 août 2020)

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