Accéder au contenu principal

Ne pas rater la rentrée

 

Macron

Chaque année à la même époque, à l’heure où les Français se préparent à reprendre le chemin du travail, les écoliers celui de l’école et les parlementaires celui des assemblées, le diagnostic est invariablement le même, quel que soit le gouvernement en place : la rentrée sera chaude. Chaude parce qu’au sortir de l’été, le retour à la réalité du quotidien fait resurgir les problèmes socio-économiques du pays, chaude parce que c’est à la rentrée que s’expriment les revendications sociales pour les 12 mois à venir, chaude parce que le gouvernement veut conduire son programme et dérouler ses réformes, chaude parce que l’opposition entend bien le contrecarrer, etc.

Cette année pourtant, la rentrée prend une coloration bien différente et même totalement inédite : la crise sanitaire du coronavirus écrase tout, les conséquences économiques de la pandémie vont constituer un choc immense dans le pays, cette crise que l’on dit la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale va profondément bouleverser l’organisation de la France et sans doute son destin. La rentrée dès lors ne s’annonce pas chaude mais froide, glaciale même, de ces vents qui saisissent l’échine et bousculent toutes les certitudes. Au début de l’épidémie dans l’une de ses allocutions solennelles aux Français, le 16 mars, Emmanuel Macron avait parfaitement pressenti le choc qu’allait représenter l’épidémie en estimant que "beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, remises en cause" et que "le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant." Il promettait d’en tirer "toutes les conséquences".

Ce "monde d’après", le chef de l’Etat a très tôt commencé à y réfléchir, adoptant une politique bien différente de celle menée jusqu’à présent. Après trois ans de réformes libérales, c’est le besoin de l’Etat providence qui s’est très vite fait sentir, la nécessité de relocaliser certaines productions industrielles clés, de retrouver une certaine souveraineté de la France et de l’Europe, de sanctuariser certains secteurs, de soutenir les services publics et, en même temps, de ne pas oublier la lutte contre le réchauffement climatique et de mettre enfin en œuvre des mesures fortes pour la transition écologique. Une vraie révolution pour Emmanuel Macron qui s’était dit prêt à la "refondation" avec son fameux "Sachons nous réinventer, moi le premier."

La présentation du plan de relance devait acter ce nouvel état d’esprit, de la même façon que la nomination de Jean Castex, l’homme des "territoires", devait esquisser un nouveau chapitre des relations entre l’Etat et les collectivités. Las ! Face à la résurgence de l’épidémie, la présentation du plan – déjà tardive – a été différée pour mieux se concentrer sur la crise sanitaire, éviter à tout prix un nouveau confinement qui serait catastrophique et rassurer les Français. Un choix logique pour ne pas rater la rentrée. Car la réussite de celle-ci et des mois à venir pèsera sans doute plus que n’importe quelle autre considération dans la bataille pour la présidentielle de 2022, dont les universités d’été montrent qu’elle a déjà commencé.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 25 août 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...