L’affaire du violeur de Sorèze qui vient d’être jugée à Albi et s’est terminée par la condamnation de l’accusé à 12 ans de prison n’a pas eu le retentissement qu’espéraient les victimes, dont nous avons recueilli les témoignages poignants. "Nous avons le sentiment que cette affaire n’intéresse personne", nous disent-elles. Et pourtant, cette affaire est importante car elle raconte comment peut s’installer pendant des années, dans l’entre-soi d’un village, une omerta, un silence de plomb nourri par la honte, la peur ou l’ignorance, le qu’en-dira-t-on et le pas de vague,… Combien de villages ont-ils vécu de semblables affaires, longtemps étouffées, et qui n’ont été révélées parfois que trop tardivement pour que la justice s’en saisisse ? Combien de victimes attendent toujours que soient reconnues leurs souffrances ? Combien d’affaires – qui ne concernent pas des célébrités et ne sont donc pas sous les projecteurs – attendent de trouver une issue ?
Heureusement les temps changent et la vague de libération de la parole ouverte par le mouvement MeToo s’est généralisée dans toutes les couches de la société et peut donner, jusque dans le plus petit village, le surplus de courage aux victimes ou aux témoins pour rompre l’insupportable silence et l’impunité qui en découle.
Accueillir la parole des victimes avec bienveillance, les écouter, les considérer, leur dire qu’elles ne sont pas seules est un devoir qui n’a pas toujours été rempli comme il se devait. Les institutions en ont pris acte et ont évolué ; la justice, les enquêteurs, avec des moyens encore insuffisants, traitent mieux ces affaires avec une réelle rigueur mais non sans difficultés. Car au tribunal médiatique des réseaux sociaux toujours prompts à condamner, il faut opposer le temps judiciaire, forcément plus long, qui doit tenir compte du respect de la présomption d’innocence ou des délais de prescription. Mais lorsque les faits sont pénalement établis, la justice peut faire son œuvre, dire le droit, et rétablir la vérité pour que la honte change de camp et que l’on en finisse avec ces omertas, qu’on ne puisse plus dire qu’on ne savait pas…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 25 avril 2021)