C’est un terrible cap qui a été dépassé hier par la France, longtemps redouté avant qu’il ne devienne inéluctable : celui des 100 000 morts du Covid-19. Notre pays devient ainsi le huitième au monde, le quatrième d’Europe à franchir ce seuil symbolique qui illustre toute la tragédie de l’épidémie et nous oblige, tous collectivement. Car derrière la litanie et la froideur anonyme des chiffres des décès – mais aussi des contaminations, des hospitalisations et des réanimations – égrenés chaque soir par Santé publique France par communiqué ou par le gouvernement lors de ses conférences de presse du jeudi, se trouvent des maris et des épouses, des frères et des sœurs, des amis et des collègues qui ont été foudroyés par le coronavirus. Emportés parfois en quelques jours, parfois en quelques semaines loin des leurs, laissant derrière eux un vide d’autant plus immense que les derniers adieux et les rites funéraires, qui permettent le travail de deuil, n’ont pu être faits.
Comme aux Etats-Unis et dans d’autres pays, un hommage national aux victimes françaises du Covid s’impose dès lors pour ne pas oublier toutes ces vies fauchées malgré tous les efforts faits pour les sauver. Un hommage solennel loin des polémiques, forcément stériles, qui nous minent. Aurait-on pu mieux faire face à cette épidémie redoutable et changeante ? Peut-être. L’exécutif a-t-il commis des erreurs ? Sans doute. La France a-t-elle tout raté si on la compare à d’autres pays ? Certainement pas.
Il y aura, assurément, un temps pour tirer le bilan – politique, sociétal, sanitaire, socio-économique – de l’épidémie et mettre au clair les responsabilités des uns et des autres, les manquements et aussi les réussites. Mais pour l’heure, au nom de ces 100 000 morts, au nom du travail quotidien de soignants mobilisés sans faille depuis un an, peut-on espérer avoir un moment de concorde à partir duquel rebondir ?
La France a montré par le passé son incroyable résilience pour se relever de terribles épreuves, les deux Guerres mondiales ou les attentats terroristes de 2015 et 2016, à la condition qu’elle puisse se raccrocher à un espoir de jours meilleurs. Ces « Jours heureux », Emmanuel Macron les a souvent promis avant d’être rattrapé par l’épidémie. En abordant hier les conditions de réouverture des lieux fermés alors que l’on est encore dans la 3e vague épidémique, le chef de l’Etat veut ouvrir des perspectives. Car esquisser un horizon, fut-il démenti ou repoussé, préparer l’après et la vie qui continuera reste le meilleur hommage que l’on puisse rendre à tous ceux qui nous ont quittés.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 16 avril 2021)