Lors de sa dernière allocution aux Français, Emmanuel Maron avait souligné combien l’épidémie de Covid-19 suscitait de lassitude, de fatigue, d’énervement et d’emportement. Toutes choses promptes à allumer des polémiques qui se transforment en feu de brousse. Dernier exemple en date avec les propos de la maire de Poitiers qui justifiait la suppression de 8 000 € de subventions à deux aéroclubs de sa ville, non pas sur l’autel d’économies qu’il aurait absolument fallu faire sur le budget de la ville, mais parce que l’édile estimait que la municipalité n’avait pas à soutenir un sport mécanique polluant. Et d’ajouter "l’aérien, c’est triste, mais ne doit plus faire partie des rêves d’enfant aujourd’hui", oubliant qu’avec une telle décision punitive elle réservait le "rêve" aux enfants des plus riches... Un beau tollé s’en suivit, une énième polémique impliquant un maire Europe-Ecologie les Verts élu avec la vague écolo de septembre dernier.
À Bordeaux (le sapin de Noël), Lyon (le tour de France), Strasbourg (la subvention à la mosquée) et maintenant Poitiers, les nouveaux élus se défendent de tout dogmatisme, plaident la maladresse, d’avoir été mal compris et d’être la cible systématique de leurs oppositions et plus particulièrement de la République en Marche et du gouvernement, qui – inquiets de la nouvelle force politique que constituerait EELV à un an de la présidentielle – viennent leur chercher noise à tout bout de champs. Il est vrai que la réponse du secrétaire d’Etat aux Transports à la maire de Poitiers était tout aussi ridicule : décerner la Légion d’honneur aux responsables des aéroclubs, ramenant ainsi la plus haute décoration française au rang d’outil pour batailles politiques picrocholines…
Reste que cette polémique a empêché d’aborder sérieusement le fond. L’aérien est-il le plus polluant des secteurs ? La réponse est non quant aux émissions mondiales de CO2 puisqu’il ne pèse que 2 % d’entre elles, très loin derrière la production d’électricité, le transport routier ou le bâtiment. Le secteur aérien – durement impacté par l’épidémie de Covid-19 – se moque-t-il de son impact environnemental ? La réponse est là aussi non puisque puisqu’il a, depuis plusieurs années, un vrai souci environnemental, que ce soit dans les aéroports ou chez les avionneurs qui imaginent l’avion du futur, plus propre.
L’aérien peut-il faire mieux ? Assurément mais comme bien d’autres secteurs. À l’instar des agriculteurs victimes d’agribashing, le secteur aérien est devenu un bouc émissaire facile, vilipendé par les écolos radicaux adeptes du flygskam, la honte de prendre l’avion, ou… l’Assemblée nationale qui vient de voter, dans le prolongement de la convention citoyenne, la fin des liaisons aériennes intérieures de moins de 2 h 30 s’il existe une solution en train…
Il serait peut-être temps de sortir de ces postures, de travailler à trouver collectivement des solutions, bref de prendre un peu de hauteur… et de laisser les enfants rêver. Qui sait, comme Antoine de Saint-Exupéry le conseillait, ils feront de leur vie un rêve et de ce rêve une réalité.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 12 avril 2021)