C’est une scène que malheureusement chacun d’entre nous a un jour vécue. Une promenade dans la nature et l’on tombe sur des monticules de déchets entassés là en toute illégalité : au mieux des déchets verts, au pire des gravats de chantiers, des appareils électroménagers ou tout simplement des ordures ménagères. Ce fléau des décharges sauvages a pris des proportions considérables et inquiétantes pour la pollution des sols qu’elles engendrent, alors même que les Français, paradoxalement, mettent l’environnement aux premiers rangs de leurs préoccupations.
En 2020 en France, 80 000 tonnes de déchets ont ainsi échoué dans la nature dans quelque 600 dépôts illégaux. Et il est toujours aussi difficile pour les élus locaux de lutter contre ce phénomène qui recouvre de multiples pratiques. Chacun d’ailleurs garde en mémoire le décès du maire de Signes (Var), renversé le 5 août 2019 par une camionnette dont les occupants, que l’élu voulait verbaliser, avaient jeté des gravats en bord de route en toute illégalité. Si ces dépôts sauvages sont le fait de particuliers qui cèdent à la facilité en jetant leurs déchets dans la nature plutôt que de les mettre en déchetteries, ils sont aussi le fait de juteux trafic, parfaitement organisés par des réseaux dont les méthodes n’ont rien à envier aux réseaux du crime organisés, mais aussi d’acteurs du BTP qui se débarrassent des déchets de leurs chantiers en dehors de toutes règles pour ne pas avoir à payer leur recyclage.
Face à ce fléau, il existe heureusement plusieurs leviers mais dont l’efficacité risque de prendre du temps alors que l’urgence de mettre en place le principe du pollueur payeur est là. Premier levier, la sanction, dont l’absence ou la faiblesse favorise le passage à l’acte des pollueurs. L’année dernière, grâce à loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, le gouvernement a durci les sanctions, en multipliant par dix l’amende pour dépôt sauvage et en permettant, entre autres, l’immobilisation des véhicules. Le second levier est le développement de filières de recyclage, notamment pour le secteur du BTP. La filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) sur les produits ou matériaux de construction du bâtiment, devrait avoir un impact majeur sur les dépôts sauvages. Les déchets du bâtiment, qui représentent la majeure partie des dépôts sauvages, seront repris gratuitement lorsqu’ils sont triés par la filière REP.
Mais le dernier levier, peut-être le plus difficile parce que le plus simple, dépend de la société tout entière : prendre conscience que la nature n’est pas une poubelle…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 6 avril 2021)