C’est une souffrance. Une autre souffrance que celle des patients atteints de la Covid-19. Une souffrance vécue quasiment en silence mais qui commence à devenir de plus en plus audible car de plus en plus insupportable. Cette souffrance, c’est celle des patients non-Covid qui doivent prendre leur mal en patience. Faute de disposer de lits en nombre suffisant pour accueillir tous les cas Covid et notamment ceux qui doivent aller en service de réanimation, de nombreux hôpitaux ont été contraints d’organiser la déprogrammation des autres opérations. Les témoignages se multiplient ainsi entre ces patients qui attendent qui une reconstruction mammaire après un cancer, qui une opération pour une prothèse de hanche ou encore une greffe de rein. Des retards qui peuvent potentiellement aggraver l’état de santé de certains d’entre eux, et portent forcément un coup au moral. Comme il y eut des commerces non-essentiels, y aurait-il des patients non-essentiels ?
« La déprogrammation, c’est un tri qui ne dit pas son nom » estimait récemment Gérard Raymond, président de France Assos Santé, la fédération d’associations de malades, qui avait commandé lors du deuxième confinement un sondage montrant la grande détresse psychologique de ces patients à qui l’on demande d’être très patients.
La déprogrammation pour cette troisième vague touche quasiment tous les hôpitaux, des mastodontes, comme ceux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, aux plus modestes en province, à hauteur de 40 à 50 % des opérations prévues avec des pics jusqu’à 80 %. Les personnels soignants ont appris de l’épidémie et les déprogrammations sont faites évidemment avec le plus de précision, presque au cas par cas.
Reste que ce retard dans les opérations se double aussi d’un retard dans les diagnostics et le suivi médical, ce qui est particulièrement vrai pour les cancers, comme s’en alarme dans nos colonnes le Pr Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer. Lors de la première vague épidémique, en effet, 33 000 cancers ont été diagnostiqués, deux fois moins qu’en temps normal, ce qui impliquera vraisemblablement des morts précoces dans les années qui viennent.
« Notre but n’est pas de déprogrammer le plus possible mais de soigner les patients, tous les patients. Le bilan de cette crise se fera aussi sur les malades non-Covid », assurait Martin Hirsch, patron de l’AP-HP. Un bilan qui sera aussi celui des moyens dévolus à l’hôpital ces dernières années par les gouvernements successifs.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 13 avril 2021)