Accéder au contenu principal

Dans les pas de Roosevelt

JoeBiden

Lorsqu’il s’est installé dans le bureau ovale de la Maison Blanche le 20 janvier dernier, Joe Biden a pris soin de refaire la décoration laissée par son prédécesseur Donald Trump. Face à son célèbre bureau, le nouveau président démocrate a installé un grand portrait de Franklin D. Roosevelt, le président qui sortit les Etats-Unis de la grande dépression avec son New Deal.

Joe Biden s’est-il inspiré de Roosevelt pour conduire ses cent premiers jours à la tête du pays ? S’est-il rappelé le discours d’investiture de Roosevelt le 4 mars 1933 – « la seule chose dont nous devons avoir peur, c’est la peur elle-même » – ou cette anecdote lorsqu’après son élection, un visiteur lui fit remarquer « Monsieur le Président, si votre programme réussit, vous serez le plus grand président de l’histoire américaine. Si cela échoue, vous serez le pire », s’attirant pour toute réponse un « Si ça échoue, je serai le dernier… »

En tout cas depuis cent jours, Joe Biden – qui devait prononcer hier son premier discours sur l’état de l’Union devant le Congrès – peut revendiquer la filiation avec son illustre prédécesseur. Le Sleepy Joe (Joe l’endormi) raillé par Trump s’est révélé être un Speedy Joe avec une volonté et une détermination de fer pour appliquer au pas de charge son programme dès le jour de son investiture en signant 17 décrets. Jusqu’à présent, c’est un sans-faute sur la forme – le style du 46e Président de 78 ans, tout en empathie et en maîtrise séduit – que sur le fond.

Sur la gestion de la pandémie, après avoir imposé le masque dans les bâtiments fédéraux, il avait promis 100 millions d’Américains vaccinés en 100 jours. Il n’en aura fallu que 58 et c’est 200 millions d’Américains qui sont aujourd’hui vaccinés et se préparent à abandonner le masque. Sur la scène internationale, Biden applique un « America is back. » Un retour bienvenu pour les partisans du multilatéralisme et les alliés de l’Amérique après quatre ans de chaos trumpien, mais qui pourrait aussi à terme inquiéter l’Europe. Biden tient la dragée haute à la Chine, retire les Boys d’Afghanistan, s’implique dans l’Otan comme dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Mais c’est peut-être sur le plan économique et social que Biden surprend le plus. Fin connaisseur des arcanes du Sénat qu’il a arpentés pendant 36 ans, il a décroché un plan de relance de 1900 milliards de dollars. Puis c’est un plan d’investissements dans les infrastructures de 2 300 milliards qui a suivi avec une volonté claire de verdir l’économie et d’investir dans les technologies du futur. Enfin – et surtout – Biden ouvre un nouveau chapitre qu’on n’attendait pas venant d’un démocrate qui n’est pas le plus à gauche de sa famille politique : la fin de l’ère libérale entamée par Reagan et le retour d’une politique keynésienne faite d’investissements publics et de taxation des plus riches (grandes fortunes ou GAFA).

Hier Biden devait dévoiler un plan de 1 500 milliards de dollars dans les services à l’enfance et l’éducation, et un autre de 1 000 milliards pour la santé est dans les tuyaux. La dette publique va représenter 130 % du PIB et certains économistes craignent un retour de l’inflation. Mais la croissance devrait bondir de 6,5 % cette année, ouvrant une nouvelle ère de prospérité. Fort de la transformation des Etats-Unis qu’il impulse, Joe Biden – qui sait combien la tâche sera dure dans un pays aussi divisé – espère bien être celui qui aura renouvelé le « rêve américain » et ainsi entrer dans l’Histoire dans les pas de Roosevelt.    

(Analyse publiée dans La Dépêche du Midi du jeudi 29 avril 2021)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...