"Ne jamais jeter de dose, c’est la règle de base", martelait le 25 mars le ministre de la Santé Olivier Véran, rajoutant "je ne crois pas que nulle part en France qui que ce soit jette des vaccins". Et pourtant, des images de doses restantes non utilisées – notamment du mal-aimé AstraZeneca –, diffusées sur les réseaux sociaux par des personnels soignants révoltés, sont venues contredire le ministre. La campagne de vaccination française, critiquée pour sa lenteur notamment due aux livraisons chaotique des doses, peut-elle se satisfaire d’un tel gâchis alors que le pays affronte une troisième vague de Covid-19, que le vaccin reste la principale clé de sortie de la crise sanitaire et que l’Etat craint par ailleurs que 25 à 30 % des doses soient perdues en raison des contraintes logistiques ? Évidemment non. Mais face à ce problème majeur, la solution n’est pas venue de l’Etat mais des Français avec d’un côté le système D et de l’autre des initiatives numériques pour utiliser toutes les doses disponibles.
Le système D, c’est celui qui a vu le jour entre des médecins qui appellent leurs patients éligibles ou non à venir se faire vacciner pour ne pas jeter les précieuses doses en fin de journée ; c’est aussi celui qui voit des dizaines de Français faire la queue devant des vaccinodromes avant leur fermeture, avec l’espoir de bénéficier d’une dose surnuméraire. Espoir hélas souvent déçu…
Les initiatives numériques bénévoles et non lucratives, ce sont celles de Covidliste et de Vite ma dose qui, en 15 jours, ont rencontré un immense succès. Covidliste permet aux personnes non-éligibles de s’inscrire pour être recontactées par un centre de vaccination auquel il resterait des doses ; Vite ma dose, qui agrège les créneaux des plateformes de réservation privées, permet aux personnes éligibles au vaccin de trouver un rendez-vous.
Ces deux sites internet – qui soulignent en creux les carences de l’Etat – n’ont été rendus possibles que grâce à l’ouverture et la gratuité des données publiques. Cet open data est un enjeu de société aussi majeur que méconnu du grand public et l’épidémie de Covid a été, à cet égard, un accélérateur dans le domaine des données de santé.
La politique de la donnée, des algorithmes et des codes, que l’on retrouve dans quasiment tous les aspects de notre vie quotidienne recouvre aujourd’hui des enjeux économiques, démocratiques, administratifs et de souveraineté, capitaux dans l’organisation de nos sociétés, au niveau national comme dans les territoires. Face au poids et aux appétits des GAFA qui investissent de plus en plus la santé, Covidliste et Vite ma dose montrent ainsi que des solutions éthiques et françaises sont possibles.