Au deuxième jour de confinement du pays, les Français mesurent toute la difficulté de l’épreuve que nous impose l’épidémie de coronavirus, dont l’épicentre s’est déplacé de Chine en Europe, se propageant à grande vitesse dans les populations. Enfermés à la maison, contraints pour beaucoup à s’improviser maîtres d’écoles ou de transformer leur salon en espace de télétravail, les Français découvrent les contraintes d’une vie "enfermée chez soi", où les sorties sont aussi parcimonieuses que contrôlées par les forces de l’ordre pour faire respecter ces mesures coercitives qui, pour l’heure, restent les seules efficaces pour freiner l’avancée du Covid-19. Chacun comprend dès lors que pour s’en sortir, il ne faut plus sortir, et que l’on est tous ensemble… seuls.
Cette solitude forcée permet-elle de "retrouver le sens de l’essentiel" comme l’espérait lundi soir Emmanuel Macron ? En tout cas ce confinement invite à l’introspection, à la réflexion sur la façon dont nous faisons société, aux priorités qui ont été les nôtres, individuellement et collectivement, et que cette pandémie révèle ou remet sur le métier. Le huis clos intime que les Français vivent depuis mardi midi doit permettre de comprendre que pour traverser cette crise, nous devons penser et agir en "solidaires", plutôt qu’en "solitaires".
Cette solidarité est, d’évidence, une force pour tenir. Solidarité au sein du cercle familial où l’on se redécouvre parfois, où s’inventent aussi de nouvelles formes de communication entre générations, entre petits-enfants et grands-parents, désormais séparés. Les services de messageries, les vidéoconférences permettent de construire de nouveaux liens.
Solidarité aussi entre voisins. Dans les immeubles comme dans les villages, les Français retissent des liens simples et bienveillants d’entraide que le quotidien trépidant de la vie moderne avait parfois déliés.
Solidarité évidemment envers les personnels soignants qui se préparent au tsunami sanitaire avec le pic épidémique à venir. Leur immense courage, leur dévouement, leur professionnalisme, leur détresse parfois face au manque de moyens ou aux choix éthiques, leur épuisement physique et moral face aux ravages de la maladie, notamment dans le Grand Est, émeuvent les Français. Depuis quelques soirs, ces derniers témoignent leur solidarité à ces héros en blouses blanches en ouvrant les fenêtres pour les applaudir.
Solidarité enfin envers tous ceux qui ne sauvent pas des vies mais ce qui reste de notre quotidien : vendeurs, livreurs, caissières, agents des collectivités, etc. Ils sont les héros silencieux de cette épidémie.
Et en retour, solidarité de l’Etat qui, "quoi qu’il en coûte", se doit d’intervenir par des mesures d’accompagnement, de soutien à l’économie, d’appui aux soignants et aux chercheurs.
C’est la somme de toutes ces solidarités qui permettra qu’un jour nous soyons ensemble… réunis.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 19 mars 2020)