Au lendemain de l’intervention du chef de l’Etat qui a été suivie par plus de 25 millions de Français, l’épidémie du coronavirus apparaît pour ce qu’elle est : une épreuve citoyenne, économique, sanitaire, et politique que la France devra surmonter "quoi qu’il en coûte".
Épreuve citoyenne d’abord pour chacun d’entre nous et plus particulièrement pour les aînés, désormais privés de visites, et pour les parents d’enfants dont les établissements scolaires seront fermés lundi et qui sont dès à présent confrontés au casse-tête de la garde. Mais épreuves aussi pour les lycéens et les étudiants dont les examens approchent. Surmonter cette épreuve oblige chacun d’entre nous à faire preuve d’unité, de solidarité, de civisme, de discipline et de bienveillance les uns envers les autres. En un mot, à "faire nation" comme aux heures les plus difficiles de notre histoire.
Épreuve économique ensuite. L’effondrement historique des bourses, la mise à l’arrêt de secteurs entiers comme l’hôtellerie-restauration, l’aérien ou l’événementiel, sports compris, imposent de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement aussi fortes qu’immédiates pour éviter les faillites de commerçants ou de PME et garantir aux Français leur niveau de revenu. En ne confinant pas totalement toute l’économie comme en Italie, en maintenant aussi les élections municipales, Emmanuel Macron a fait le choix de raison de la continuité de la vie – choix éclairé par les scientifiques.
Épreuve sanitaire évidemment. L’arrivée inéluctable de la phase 3, celle où le virus circule massivement dans le pays, pourrait constituer un choc dont on mesure encore mal l’ampleur. Les hôpitaux s’y préparent depuis plusieurs jours désormais, les personnels soignants sont totalement mobilisés et, depuis jeudi, assurés que l’Etat mettra tous les moyens financiers nécessaires.
Épreuve, enfin, éminemment politique. À l’instar de Nicolas Sarkozy avec la crise financière de 2008 ou de François Hollande avec les attaques terroristes de 2015, Emmanuel Macron affronte aujourd’hui une crise majeure, globale, plus grave que le mouvement social des Gilets jaunes ou la contestation de la réforme des retraites. De cette épreuve-là, le chef de l’Etat peut en faire un momentum de son quinquennat, pour son propre avenir politique, mais aussi pour poser les jalons d’une nouvelle vision – européenne – du monde.
Car cette crise du coronavirus, qui révèle les failles de la mondialisation comme les limites des Etats, va rebattre les cartes. Quelle conception du monde voulons-nous porter : celle de sociétés ouvertes, régulées, coopérant ensemble, recherchant des solutions bénéfiques à tous ? Ou celle de sociétés marquées par le repli nationaliste et individuel du chacun pour soi ?
"Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies, interroger les faiblesses de nos démocraties", a assuré Emmanuel Macron, avant d’estimer que "ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché". Ou comment l’épidémie de coronavirus démontre l’importance d’une notion que beaucoup – néolibéraux chantres de l’orthodoxie budgétaire en tête – ont cherché à éradiquer : l’Etat-providence.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 14 mars 2020)