Pour les agriculteurs de France, l’année 2020 sera à coup sûr à marquer d’une pierre noire, une vraie annus horribilis. Alors que la situation économique du secteur est toujours difficile, notamment dans ses relations avec la grande distribution, les agriculteurs ont subi de plein fouet ces derniers mois ce que l’on a appelé l’agribashing, c’est-à-dire, à l’occasion du débat sur l’interdiction prochaine du glyphosate, des critiques parfois très virulentes concernant leur utilisation des pesticides. Des critiques souvent injustes, car oubliant que les agriculteurs sont les premières victimes de la nocivité de ces produits phytosanitaires et oubliant aussi que nombre d’agriculteurs sont engagés dans des démarches aussi coûteuses que complexes de transition vers des modèles plus attentifs à l’environnement. Le respect des « zones de nontraitement » entre cultures et habitations lors de la pulvérisation de pesticides a rajouté une difficulté supplémentaire au casse-tête.
Les éleveurs, de leur côté, ont dû subir les attaques des défenseurs des animaux dont les vidéos chocs ont heurté – à raison – les Français, mais qui masquent, là aussi, les pratiques majoritairement respectueuses du bien-être animal. Enfin, dernièrement, les producteurs de tomates se sont retrouvés confrontés au ToBRFV, le « virus de la tomate », dont la présence fait peser un risque économique important pour toute la filière cette année.
C’est dans ce contexte déjà très délicat que le monde agricole doit encaisser aujourd’hui les conséquences collatérales du coronavirus. D’un côté, les mesures de contrôles des frontières de l’espace Schengen vont empêcher les travailleurs saisonniers étrangers de venir en France pour participer aux récoltes – il manque près de 200 000 personnes. Et de l’autre, l’interdiction des marchés ouverts dans le cadre du renforcement des mesures de confinement – plutôt mal comprise dans les bourgs où les mesures de sécurité étaient bien respectées – va compliquer l’activité de milliers de maraîchers, producteurs et éleveurs.
Les appels à la solidarité des Français ou des grandes enseignes lancés hier par le gouvernement ne seront sans doute pas suffisants pour permettre au monde agricole de surmonter l’épreuve du coronavirus. Il faudra vraisemblablement un grand plan d’action, probablement à l’échelle européenne. Autant dire inventer une nouvelle politique agricole commune pour qu’à la crise sanitaire du coronavirus ne s’ajoute pas une crise agricole majeure.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 25 mars 2020)