L’épidémie de coronavirus est évidemment une épreuve sanitaire, une épreuve sociale avec le confinement des populations, mais aussi une épreuve politique pour les chefs d’Etats et de gouvernements. Certes, depuis plusieurs années, scientifiques, militaires ou agences de renseignements ont publié de nombreux rapports, des notes confidentielles ou des livres blancs dans lesquels la menace d’une pandémie majeure est clairement évoquée. Mais lorsqu’un tel fléau survient, la surprise est là.
La pandémie du coronavirus montre alors que les dirigeants ont agi de façon bien différente selon que le régime soit autoritaire, populiste ou démocratique.
Ainsi en Chine, il y a d’abord eu le déni des autorités locales qui ne voulaient pas déplaire au pouvoir central, quitte à emprisonner les précieux lanceurs d’alerte et à permettre la propagation du virus. Une fois admise l’ampleur de l’épidémie, la Chine, instruite par l’épidémie de Sras des années 2002-2003, a mis les bouchées doubles, prenant des mesures de confinement drastiques pour des millions d’habitants, d’autant plus facilement que le régime autoritaire de Xi Jinping n’a pas eu à respecter des libertés publiques quasi-inexistantes. Rigueur des mesures, surveillance permanente des populations via les outils numériques et biométriques les plus perfectionnés : la Chine est parvenue à faire diminuer les contaminations. Au point qu’aujourd’hui, le géant au pied d’argile repart à l’offensive diplomatique pour vanter son savoir-faire.
Ensuite, aux Etats-Unis comme en Grande Bretagne – deux nations dirigées par des néo-conservateurs populistes – la pandémie a été toisée comme s’il s’agissait d’un ennemi physique qu’il serait facile de terrasser et dont la défaite permettrait en prime d’engranger quelque crédit politique. Las ! Il aura fallu que les scientifiques honnis apportent des preuves incontestables sous le nez de Trump et Johnson pour que ceux-ci prennent enfin les mesures de protection indispensables pour leurs populations.
Enfin, dans les démocraties européennes – Italie, Espagne, France, Allemagne… – la pandémie a été globalement correctement appréciée et traitée dans le respect des règles de l’Etat de droit. Mais pour chaque pays, de subtiles nuances sont apparues en fonction de la situation politique nationale. En Italie comme en Espagne où leurs majorités parlementaires sont fragiles, Giuseppe Conte comme Pedro Sánchez ont trouvé là l’occasion d’endosser le rôle de père de la nation et réalisent un quasi sans faute.
En France, où le chef de l’Etat dispose de beaucoup plus de prérogatives, Emmanuel Macron a semblé très – trop ? – prudent. A-t-il tardé à prendre la mesure de l’épidémie comme vient de l’affirmer à la surprise générale son ex-ministre de la Santé ? A-t-il eu tort de maintenir le premier tour des élections municipales – une "mascarade" selon Agnès Buzyn – pour éviter d’être taxé d’autoritarisme par les oppositions ? S’est-il trompé en estimant que les mesures de confinement ne pouvaient être prises que de façon graduée pour obtenir le consentement maximum des Français, quitte à afficher une communication gouvernementale parfois incohérente ? Ces questions, qui illustrent toute la difficulté de l’exercice du pouvoir en temps de crise et la solitude du Président, se poseront un jour. Mais qui pour l’heure peut dire qu’il aurait fait mieux ?
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 20 mars 2020)