Accéder au contenu principal

Efficacité et libertés

drone


Deux jours après sa nomination au ministère de la Santé, Olivier Véran avait laissé échapper, le 18 février sur France Inter, son admiration devant la capacité de la Chine à mettre en place des mesures drastiques de quarantaine pour des millions d’habitants de la région de Wuhan. « La Chine a une capacité de réactivité. Elle a pris ses responsabilités en prenant des mesures de confinement très rapidement. Je ne suis pas sûr qu’il serait possible de réaliser ça dans un pays où les réseaux sociaux seraient ouverts » avait expliqué le ministre, laissant entendre qu’un régime autoritaire comme celui de Xi Jinping, où les libertés individuelles sont quasi inexistantes, serait plus à même de combattre une épidémie que des démocraties où la liberté d’expression et de la presse, et la transparence de l’information sont constitutionnellement garanties…

Depuis, le recours massif de la Chine – mais aussi d’autres pays comme la Corée du Sud ou Taïwan – à des technologiques très avancées de surveillance des populations, combinées à l’imposition d’une discipline de fer ou d’une acceptation culturelle faisant primer le groupe sur l’individu, a permis d’atténuer la courbe de propagation du coronavirus. Ce succès – façon « Big Brother » – suscite une fascination de certains pays pour cet arsenal d’outils high-tech au premier rang desquels le backtracking, c’est-à-dire la surveillance des téléphones mobiles pour tracer leurs utilisateurs. Emmanuel Macron a ainsi demandé mardi au tout nouveau Comité d’analyse, recherche et expertise (CARE) d’ouvrir la réflexion sur le sujet.

Une prudence de bon aloi car cette surveillance généralisée pose d’évidents problèmes de compatibilité avec la préservation de nos libertés individuelles. À l’instar de la lutte contre le terrorisme qui a provoqué, via l’état d’urgence, une modification substantielle de notre droit, la lutte contre l’épidémie de coronavirus estelle en passe de nous faire accepter des mesures exceptionnelles qui se traduiraient in fine par un nouveau rétrécissement des libertés ? Autrement dit, pour plus d’efficacité, faut-il moins de liberté ? Voilà une des nombreuses questions que cette épidémie de coronavirus nous pose pour l’après-crise. Pour y répondre, il faudra alors se souvenir de Victor Hugo : « Sauvons la liberté, la liberté sauve le reste. »

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 26 mars 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m