Accéder au contenu principal

Un héros de la liberté

 

samuelpaty

L’hommage de la Nation à Samuel Paty, le professeur décapité par un terroriste islamiste de 18 ans, hier à la Sorbonne, temple républicain de la connaissance, était évidemment nécessaire. Nécessaire comme l’ont été les nombreux rassemblements de soutien dimanche après-midi partout en France. Les discours et les bougies – pour reprendre les mots de certains à droite qui n’ont pas voulu participer à ces manifestations – ne sauraient être évidemment suffisants en réponse à la barbarie et à l’obscurantisme, mais il est des moments où le symbole n’est pas vain, où l’on doit faire corps, faire bloc, pour défendre les valeurs de la République et apporter aux enseignants toute la considération qu’ils méritent de la part de la Nation. Ainsi, à travers l’hommage à Samuel Paty, enseignant passionné par son métier et l’envie de transmettre à ses élèves les clés pour devenir les citoyens libres et éclairés de demain, c’est tous les enseignants qui étaient hier honorés et réconfortés. En saluant la mémoire de l’un des leurs – « héros tranquille, héros anonyme, héros de la liberté » pour reprendre la belle expression de Robert Badinter – ce sont tous les enseignants qui ont été honorés pour leur travail qui, toute l’année, fait véritablement vivre les valeurs de la République.

Hommage nécessaire donc, mais pas suffisant. Le drame de Conflans-Sainte-Honorine nous oblige tous, élus, médias, plateformes numériques des réseaux sociaux, parents d’élèves, citoyens, à ne plus être dans le déni des attaques perpétrées depuis plusieurs années contre la laïcité et contre l’école, donc contre la République. Les témoignages, nombreux et jusqu’à présent peu écoutés, des professeurs racontant leurs difficultés d’enseigner certaines matières face aux revendications communautaristes mais aussi aux pressions d’une administration tétanisée adepte du « pas de vague », doivent être entendus et susciter un électrochoc pour apporter de vraies réponses.

Ces réponses peuvent être immédiates lorsqu’il s’agit de faire cesser des troubles patents mais elles doivent être aussi de long terme, ce qui suppose de ne pas se laisser emporter par l’émotion, aussi légitime et compréhensible soit-elle, mais au contraire d’être guidé par la raison et l’Etat de droit. Avant de rédiger de nouvelles lois comme ce fut souvent le cas après un attentat terroriste, est-on bien sûr que les lois existantes sont correctement appliquées et ont les moyens de l’être ? Depuis vendredi, on observe avec effarement un emballement contre-productif, les uns réclamant la levée de l’anonymat sur internet – qui n’existe pas de fait –, d’autres mélangeant communautaire et communautarisme, comme le ministre de l’Intérieur dénonçant les rayons hallal ou cacher dans les supermarchés… Abaisser ainsi le débat n’est pas rendre service à la République. « Le système des droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps. Rien ne justifie de le suspendre. Cela n’apporte rien à la lutte contre le terrorisme. Cela lui procure au contraire une victoire sans combat montrant à quel point nos principes étaient fragiles », expliquait l’avocat François Sureau, qui vient d’entrer à l’Académie française.

Les réponses à apporter doivent ainsi être à la fois à la hauteur du drame pour qu’il ne se reproduise plus et montrer la solidité de nos principes, c’est-à-dire – pour paraphraser Albert Camus, cité hier la Sorbonne – empêcher que la République ne se défasse… C’est le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Samuel Paty.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 22 octobre 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparatio...

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Vaccin et vigilance

La résurgence de la coqueluche en France comme ailleurs en Europe a de quoi inquiéter. En France depuis le début de l’année, un total provisoire de 28 décès a été rapporté à Santé Publique France, dont 20 enfants (18 de moins de 1 an) et 8 adultes (de 51 à 86 ans mais dont la coqueluche n’était pas indiquée comme première cause de décès). La circulation de la bactérie Bordetella pertussis, principale cause de la coqueluche, est si importante que les autorités s’attendent à de nouveaux cas à venir dans les prochains mois. Car la coqueluche est extrêmement contagieuse, une personne contaminée pouvant transmettre la maladie à 15 autres en moyenne… Et si elle a longtemps été considérée comme une maladie de la petite enfance, elle peut être sévère à tous les âges, voire mortelle pour les nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées. Ce n’est pas la première fois que l’on est confronté à une résurgence de la coqu...