Accéder au contenu principal

De la démocratie...

 

us debate

Lorsqu’il revint des Etats-Unis au début du XIXe siècle, Alexis de Tocqueville rédigea son ouvrage majeur "De la démocratie en Amérique", décortiquant les rouages de ce jeune pays et pressentant la guerre de sécession autour de l’abolition de l’esclavage, mais aussi comment les Etats-Unis étaient une superpuissance en devenir. Le philosophe avait montré combien les institutions démocratiques américaines – adossées à une constitution toujours en vigueur – étaient solides. Cette solidité a pour l’heure résisté à l’ouragan Donald Trump. Cela sera-t-il toujours le cas après le scrutin présidentiel du 3 novembre prochain ? À un mois de l’échéance, la question est sur toutes les lèvres tant le président sortant – après quatre années de défiance, souvent face à sa propre administration – semble vouloir s’affranchir des règles démocratiques les plus essentielles : celles qui garantissent la sincérité du scrutin.

Dans le brouhaha stupéfiant – mais hélas pas surprenant – du premier débat qui l’a opposé mardi au démocrate Joe Biden, Donald Trump est, en effet, resté ambigu quant au respect du verdict des urnes. Il a ainsi refusé de s’engager à ne pas revendiquer la victoire si le résultat n’était pas certain ; et il ne le sera pas, compte tenu du temps qu’il faudra pour dépouiller les votes par correspondance qui seraient, selon Donald Trump qui n’en apporte aucune preuve, l’instrument d’une fraude massive ourdie par les démocrates… Surtout, refusant de condamner les suprémacistes blancs, Donald Trump s’est adressé aux Prouds Boys, une milice armée d’extrême droite, leur demandant de se "mettre en retrait"… et de "se tenir prêt". Prêt à quoi ? Au chaos peut-être que redoutent certains après le scrutin ; à une possible guerre civile craignent les autres.

Depuis quatre ans, jamais l’Amérique n’a été aussi divisée, aussi fracturée, aussi polarisée. Entre les partisans de Trump et les soutiens de Biden, les positions semblent totalement irréconciliables, hermétiques à toute nuance, à tout constat partagé. Sur tous les sujets, les Américains ne se parlent plus, confortés dans leurs opinions par la bulle numérique des réseaux sociaux ou des groupes idéologiques chauffés à blanc, adeptes de "faits alternatifs" ou de théories complotistes. Le débat de mardi entre Trump et Biden aurait pu être l’occasion de les réunir pour confronter les idées et les programmes. Las ! À la place, les téléspectateurs ont eu droit au pire débat présidentiel jamais vu. Un débat qui entache l’une des premières démocraties du monde, ce qui aura des conséquences ailleurs bien au-delà des Etats-Unis.

Car le trumpisme a fait des émules dans bien des pays, y compris en Europe où des démocraties se retrouvent fragilisées par des leaders populistes ou des dirigeants autocratiques . "J’avoue que dans l’Amérique, j’ai vu plus que l’Amérique ; j’y ai cherché une image de la démocratie elle-même", disait Tocqueville, qui avait aussi perçu les maux qui peuvent ronger les Etats-Unis : la tyrannie de la majorité et la tentation despotique. "Cela ne va pas bien se terminer" a lâché Donald Trump mardi soir. Comme une promesse glaçante…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 3 octobre 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Fragilités

Les images que les Français ont découvertes cette semaine à l’occasion des violentes intempéries qui ont frappé le Sud-Ouest étaient spectaculaires : un TGV comme suspendu dans le vide, reposant sur des rails sous lesquels le ballast a été emporté par des flots déchaînés. Inouï comme le nom du train qui transportait quelque 500 passagers qui se souviendront longtemps de leur voyage et de leur évacuation en pleine nuit à Tonneins – parfaitement maîtrisée par les secours, les personnels de la SNCF et les agents de la ville. Le jour d’après, à l’issue du remorquage du TGV, avait des allures de gueule de bois pour tout le monde devant les dégâts considérables sur la voie de chemin de fer. 200 mètres sont complètement à refaire, les pluies torrentielles ayant emporté la terre du remblai, la sous-couche et le ballast. Et si les travaux ont commencé dès après les orages, ils vont être longs, bloquant la liaison entre Toulouse et Bordeaux. La SNCF mise sur une reprise du trafic entre le me...