Comme un sentiment de déjà-vu, de recommencement. En regardant hier après-midi le Premier ministre Jean Castex et quatre de ses ministres tenir la conférence de presse explicitant la décision annoncée la veille par le président de la République de mettre en place des couvre-feux dans neuf métropoles, chacun s’est comme retrouvé quelques mois auparavant, lorsqu’Edouard Philippe s’appliquait au même exercice de « service après-vente ». Dans les deux cas, il s’agissait d’assurer aux Français qu’ils pouvaient avoir confiance, que la situation épidémique était sous contrôle, que le gouvernement était tout entier mobilisé pour conjurer la propagation de l’épidémie de Covid-19, pour donner de nouveaux moyens aux soignants, pour soutenir salariés et entrepreneurs en souffrance et pour préparer un « monde d’après », qui – à portée de main pourvu que chacun soit responsable – serait forcément celui des « jours heureux »…
Bis repetita. La deuxième vague de l’épidémie semble appeler quasiment les mêmes réponses de l’exécutif, qui a toutefois essayé d’être hier moins paternaliste avec les Français et moins infantilisant à leur égard, mais qui a remplacé parfois le volontarisme par la méthode Coué.
La première vague pouvait appeler l’indulgence des Français à l’égard du gouvernement face à un virus mystérieux, qui a obligé tous les pays à tâtonner pour répondre à cette épidémie mondiale, insaisissable et meurtrière, souvent par un éprouvant confinement. Qui dans les oppositions, d’ailleurs, peut dire qu’il aurait fait mieux ?
La seconde vague, en revanche, ne pourra souffrir le moindre droit à l’erreur. Le gouvernement semble n’avoir pas anticipé suffisamment ce rebond cet été, tout concentré qu’il était sur le plan de relance économique de la rentrée, pendant que les Français relâchaient leur vigilance. Rattrapée par l’épidémie, l’équipe Castex tente désormais de corriger les failles d’une stratégie qui n’était pas optimale et qui a valu hier au précédent gouvernement une série de perquisitions ordonnées par la Cour de justice de la République qui enquête sur les décisions du printemps et vraisemblablement le mensonge originel sur les masques. Handicapé par les dysfonctionnements sur les tests et le traçage, le triptyque « Tester, tracer, isoler » n’a pas marché ; il est changé en un « Tester, alerter, protéger ». L’application StopCovid est un échec cuisant ; « Tous anti-Covid » va lui succéder. Le confinement général ne pouvant être reproduit, il est remplacé par des couvre-feux qui sont autant de confinements nocturnes aux conséquences socio-économiques potentiellement tout aussi désastreuses en dépit de nouvelles aides.
Comme hier Edouard Philippe, Jean Castex espère remobiliser les Français et gagner leur confiance. Comme hier, il fait face à leur inquiétude pour l’avenir et à leur défiance.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 16 octobre 2020)