Il y a sept mois, lors de son allocution solennelle annonçant le confinement du pays, Emmanuel Macron avait estimé fort justement qu’avec l’épidémie de Covid-19 "beaucoup de certitudes, de convictions [allaient être] balayées, remises en cause". De fait, le coronavirus est devenu pour le Président une épreuve au long cours, un défi complexe et mouvant d’une ampleur qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait eue à affronter. Même la réponse à apporter aux attentats de 2015, terribles pour notre pays, paraissait plus maîtrisable.
Avec ce virus, Emmanuel Macron, qui se targuait d’être maître des horloges, a dû faire son aggiornamento. Là où le mouvement social inédit des Gilets jaunes avait échoué à le faire dévier de sa trajectoire libérale réformiste, l’épidémie l’a contraint à revoir son positionnement politique en inversant le mantra du quinquennat : Emmanuel Macron a ainsi dû passer du "libérer, protéger" à un social-déomocrate "protéger, libérer". Le besoin de protection pendant la première vague de l’épidémie s’est imposé, en effet, avec le retour en grâce d’un Etat providence disposé à dépenser "quoi qu’il en coûte" pour sauver l’économie, passée, derrière la santé, priorité n° 1. Après le déconfinement, le chef de l’Etat espérait ouvrir une nouvelle séquence, la dernière du quinquennat, avec un nouveau Premier ministre ; pour remettre l’économie en souffrance au premier rang avec un plan de relance inédit.
Las ! Le rebond – prévisible – de l’épidémie, qui s’est transformé depuis la rentrée en une dangereuse deuxième vague, impose, à nouveau, de remettre la santé au premier plan… mais cette fois sans placer sous cloche l’économie. Une vraie gageure pour l’exécutif, qui ne peut plus utiliser l’arme du confinement généralisé. Dès lors, les mesures sanitaires plus restrictives qu’Emmanuel Macon est contraint d’annoncer ce soir s’apparentent à de la dentelle : des couvre-feux mais pas partout, des reconfinements locaux mais très ponctuels, du télétravail mais suggéré, etc.
Des mesures coercitives mais pesées au trébuchet car chacune se heurte à la préservation des libertés individuelles auxquelles les Français sont très attachés. Au-delà des critiques politiques – légitimes en démocratie – sur la gestion à tâtons de la crise sanitaire, l’exécutif entend la petite musique de ceux qui hurlent contre les masques, les interdictions ou une prétendue dictature sanitaire. La fronde de certains élus locaux, les manifestations de cafetiers ou de forains constituent un signal faible de ras-le-bol et d’épuisement face aux contraintes certes, mais aussi un signal qui pourrait conduire à une "giletjaunisation" de la crise sanitaire…
C’est pour éviter cela qu’Emmanuel Macron va devoir parler ce soir un langage de clarté et de vérité en présentant des mesures qui puissent être comprises de tous, sans dépasser les limites de l’acceptabilité…