Accéder au contenu principal

Vitesse et précipitation

cathedrale
Photo GodefroyParis  


La pollution au plomb consécutive à l'incendie de Notre-Dame-de Paris le 15 avril dernier est-elle l'illustration que l'on a confondu vitesse et précipitation pour le chantier de réhabilitation au détriment de la santé des Parisiens et des ouvriers ? La question peut se poser et c'est ce que redoutent nombre d'habitants qui s'inquiètent des taux de plomb découverts dans les quartiers voisins de la cathédrale.

On se souvient qu'Emmanuel Macron avait pris l'engagement de reconstruire Notre-Dame en cinq ans. Le gouvernement a ensuite fait voter un projet de loi permettant de s'affranchir des règles habituelles pour les accélérer, au grand dam de plusieurs spécialistes. Évoqué dès le soir de l'incendie, le risque de pollution au plomb – près de 400 tonnes parties dans les flammes – a-t-il dès lors été minimisé, notamment pour ne pas ralentir le chantier de restauration ? On n'en est pas encore là, mais force est de constater que des révélations de presse, la mobilisation d'associations, l'alerte de certains scientifiques et in fine des mesures précises ont conduit la préfecture à arrêter le chantier et les autorités, dont la mairie, à s'engager dans une dépollution minutieuse, notamment d'écoles alentour.

Cette affaire rappelle combien un processus de dépollution est quelque chose de complexe, qui soulève des difficultés politiques, sanitaires et industrielles.

Politiques, on le voit. La réhabilitation de grandes friches emblématiques s'inscrit souvent pour les élus dans d'importants projets urbains qu'une dépollution peut parfois retarder de plusieurs années. Prévenir les pollutions futures, mettre en sécurité les sites nouvellement découverts, surveiller et maîtriser les impacts, traiter en fonction de l'usage, puis garder la mémoire de ces pollutions : autant d'étapes qui prennent forcément du temps.

Difficultés industrielles ensuite car la réhabilitation de friches longtemps laissées à l'abandon ou la reconversion de bâtiments s'avèrent souvent complexes à réaliser et posent, parfois, la question de savoir qui va payer ces indispensables travaux. La législation ces dernières années a heureusement évolué. La jurisprudence a ainsi considérablement renforcé la prise en compte des règles environnementales, notamment lors de ventes immobilières. Si autrefois le propriétaire ou l'acquéreur d'un site pollué n'était guère inquiété pour la remise en état des lieux, la loi Alur de 2014 a instauré une hiérarchie des responsables de la pollution des sols, reprise depuis dans le Code de l'environnement. Ce qui n'empêche pas les situations périlleuses lorsque, par exemple, des filiales de groupes étrangers disparaissent du jour au lendemain…

Enfin et surtout, la dépollution est une exigence de santé publique, particulièrement lorsque le voisinage est exposé à des produits toxiques. On le voit aujourd'hui à Paris avec cette pollution au plomb ; on le voit aussi dans l'Aude avec la pollution à l'arsenic de la vallée de l'Orbiel. Il convient dès lors aux autorités de santé d'agir en fonction des connaissances scientifiques et médicales mais aussi avec le souci constant de donner une information transparente et fiable au public, en résistant à la pression de vouloir réhabiliter à vitesse grand V.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 7 août 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Moine-soldat

Dans le marathon de l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, le calendrier a marqué une pause ce jeudi à l’occasion de la niche parlementaire du Parti socialiste. Une pause mise à profit par le gouvernement pour aller sur le terrain défendre une réforme toujours massivement rejetée par 7 Français sur 10. À l’avant-veille de la quatrième journée de manifestation appelée par l’intersyndicale, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin se sont ainsi rendus hier à Neuville-en-Ferrain, dans le Nord, Olivier Dussopt à Toulouse, où il a notamment rencontré six lecteurs de La Dépêche du Midi au siège de notre journal pour répondre à leurs questions et leurs inquiétudes. Celui qui enchaîne à un rythme soutenu les interviews dans les matinales et défend depuis lundi son texte devant une Assemblée nationale survoltée s’est montré tel qu’en lui-même : un moine-soldat de la macronie. Moine, parce que le ministre connaît sur le bout des doigts le catéchisme de la réforme, son dogme du r

L'indécence et la dignité

C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas. Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter l

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a