Accéder au contenu principal

Realpolitik

Poutine
Poutine à Sébastopol (Crimée), le 9 mai 2014. Photo Kremlin.ru

« La soif de dominer est celle qui s'éteint la dernière dans le cœur de l'homme ». En recevant hier au fort de Brégançon le président russe Vladimir Poutine, Emmanuel Macron a-t-il pensé à cette phrase du « Prince », de Nicolas Machiavel, dont il est, dit-on, un fin connaisseur ? En tout cas, cette soif de dominer n'a jamais quitté le maître du Kremlin depuis ce jour de 1999 où le finissant Boris Eltsine a choisi l'ex-espion comme Premier ministre. En deux décennies, Vladimir Poutine a, depuis, installé un pouvoir absolu dont l'un des objectifs premiers a été de rendre à la Russie la grandeur passée que connut sur la scène internationale l'ex-URSS avant son effondrement. Un empire craint et respecté.

Pour ce faire, Vladimir Poutine a montré les muscles au propre – l'homme adore se faire photographier dans des poses sportives et viriles – comme au figuré. Sur la scène internationale, Poutine lancera la guerre en Tchétchénie, annexera la Crimée et soutiendra les séparatistes pro-russes du Donbass en Ukraine, interviendra en Syrie en appui au régime de Bachar al-Assad, et orchestrera en sous-main des cyber-opérations de déstabilisation des élections dans les pays occidentaux, en Europe comme aux états-Unis.

Sur la scène intérieure, il fera rentrer dans le rang les oligarques nés durant la période Elstine, mettra au pas les chaînes de télévision, fera arrêter ses opposants, n'hésitera pas à faire donner rapidement un assaut controversé lors de la prise d'otage de Beslan ou au contraire à refuser toute aide extérieure pour secourir les marins du sous-marin Kursk en perdition. Vladimir Poutine au Kremlin, c'est, d'évidence, une main de fer dans un gant de crin, qui n'aime rien tant que mettre la communauté internationale devant le fait accompli, qui fait mine de ne pas se soucier des sanctions internationales – qui pèsent toutefois bel et bien sur l'économie russe – mais qui, comme Donald Trump, reste sensible aux honneurs et aux marques de considération.

Emmanuel Macron l'a bien compris, qui avait reçu Vladimir Poutine en grande pompe, en mai 2017, au château de Versailles. Certains reprocheront au chef de l'état d'entamer un dialogue séduction avec le brutal Vladimir Poutine, notamment à l'heure où, à Moscou, des manifestants réclament davantage de démocratie. Mais dans un jeu mondial marqué par le choc entre la Chine et les états-Unis et par la montée des populismes, il serait au final contre-productif pour l'Europe de couper les ponts avec une Russie qui, qu'on le veuille ou non, est un acteur majeur. Avec une Angela Merkel en fin de règne en Allemagne, un Royaume-Uni empêtré dans l'interminable Brexit ou encore une Italie bousculée par les diatribes des populistes, Emmanuel Macron apparaît comme le seul dirigeant européen à même de pouvoir engager avec la Russie un «dialogue exigeant» c'est-à-dire cash, franc mais sans illusions sur des changements à court terme.

Autant dire que la rencontre de Brégançon est l'exemple même de la realpolitik.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 20 août 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...