« Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur de ce monde », disait Albert Camus. La formule s'applique parfaitement – hélas ! – aux féminicides. C'est-à-dire « le meurtre de femmes commis par des hommes parce que sont des femmes », selon la définition qu'en avait donnée la sociologue américaine Diana E. H. Russell en 1976. Un terme qui n'est entré dans notre dictionnaire Robert qu'en 2015 et qui reste absent du Larousse ; c'est dire combien la société avance lentement sur ces questions et peine à bien nommer les choses.
Car jusqu'à présent, ces meurtres étaient enrobés dans des expressions qui en amoindrissaient la portée et l'horreur en mettant en avant un aspect pseudo-romantique : crime passionnel, drame de la jalousie amoureuse ou de la séparation… Autant dire qu'en 2019, alors que la parole des femmes sur les violences sexuelles s'est libérée avec le mouvement #MeToo consécutif à l'affaire Weinstein, ces termes, qui remontent à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, n'ont plus leur place. Notre société doit sortir du déni, et au premier rang la magistrature. À cet égard, il est heureux de voir que la procureure d'Auch, Charlotte Beluet, a utilisé l'expression « féminicide suivi d'un suicide » pour relater ce mois-ci dans le Gers le meurtre d'une femme par son époux, quand certains de ces collègues évoquent encore des « pistes passionnelles » – alors même que le crime passionnel n'existe plus dans le Code pénal depuis 1975.
Si se mettre d'accord sur les mots est important, c'est parce qu'il y a urgence à traiter les maux. Car les féminicides dépassent le cadre des faits divers et constituent un fait social majeur. En France, plus d'une centaine de femmes sont tuées par leur compagnon. Dans certains cas, des proches ou les femmes elles-mêmes ont donné l'alerte pour décrire des situations de danger. En vain ! Les outils existent – bracelets électroniques, ordonnances de protection, portables, foyers d'accueils – mais restent méconnus, insuffisants ou mal utilisés par des magistrats ou des policiers insuffisamment formés.
Il n'y a pourtant pas de fatalité. L'Espagne a mis en place depuis une dizaine d'années une vaste politique volontariste qui a fait baisser d'un tiers le nombre de féminicides. « Vous êtes nos amies, nos mères, nos sœurs, nos filles. La violence qui vous a coûté la vie nous écœure, nous révolte », écrivait récemment Emmanuel Macron en évoquant toutes celles qui ont perdu la vie. Le Grenelle des violences conjugales qui s'ouvre dans quelques jours doit permettre une remise à plat, initier de nouvelles mesures et acter la mobilisation totale de la société pour s'attaquer à ce fléau. Il y a urgence.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 27 août 2019)
Car jusqu'à présent, ces meurtres étaient enrobés dans des expressions qui en amoindrissaient la portée et l'horreur en mettant en avant un aspect pseudo-romantique : crime passionnel, drame de la jalousie amoureuse ou de la séparation… Autant dire qu'en 2019, alors que la parole des femmes sur les violences sexuelles s'est libérée avec le mouvement #MeToo consécutif à l'affaire Weinstein, ces termes, qui remontent à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, n'ont plus leur place. Notre société doit sortir du déni, et au premier rang la magistrature. À cet égard, il est heureux de voir que la procureure d'Auch, Charlotte Beluet, a utilisé l'expression « féminicide suivi d'un suicide » pour relater ce mois-ci dans le Gers le meurtre d'une femme par son époux, quand certains de ces collègues évoquent encore des « pistes passionnelles » – alors même que le crime passionnel n'existe plus dans le Code pénal depuis 1975.
Si se mettre d'accord sur les mots est important, c'est parce qu'il y a urgence à traiter les maux. Car les féminicides dépassent le cadre des faits divers et constituent un fait social majeur. En France, plus d'une centaine de femmes sont tuées par leur compagnon. Dans certains cas, des proches ou les femmes elles-mêmes ont donné l'alerte pour décrire des situations de danger. En vain ! Les outils existent – bracelets électroniques, ordonnances de protection, portables, foyers d'accueils – mais restent méconnus, insuffisants ou mal utilisés par des magistrats ou des policiers insuffisamment formés.
Il n'y a pourtant pas de fatalité. L'Espagne a mis en place depuis une dizaine d'années une vaste politique volontariste qui a fait baisser d'un tiers le nombre de féminicides. « Vous êtes nos amies, nos mères, nos sœurs, nos filles. La violence qui vous a coûté la vie nous écœure, nous révolte », écrivait récemment Emmanuel Macron en évoquant toutes celles qui ont perdu la vie. Le Grenelle des violences conjugales qui s'ouvre dans quelques jours doit permettre une remise à plat, initier de nouvelles mesures et acter la mobilisation totale de la société pour s'attaquer à ce fléau. Il y a urgence.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 27 août 2019)