Coup sur coup deux nouvelles fusillades ont été perpétrées ce week-end aux états-Unis. Deux tueries de masse qui ont fait des dizaines de morts et de blessés et qui portent leur nombre, terrible, à 251 depuis le début de l'année 2019, selon un décompte de l'association Gun Violence Archive. Autrement dit, peu ou prou, il ne se passe pas un jour outre-Atlantique sans que des innocents, hommes, femmes, enfants, ne soient tués par balle, que ce soit par des déséquilibrés, des militants suprémacistes blancs, des adeptes de l'état islamique ou tout simplement des citoyens lambda qui décident de régler leurs problèmes par arme à feu. Dans n'importe quel pays au monde, la répétition de tels drames déboucherait sur une prise de conscience collective et, surtout, sur des changements législatifs profonds pour que cela ne se reproduise plus. Pas aux états-Unis.
Ce grand pays a, d'évidence, les armes dans la peau, d'autant plus que leur usage est inscrit noir sur blanc dans la Constitution. «Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé», proclame l'article 2. Rien ne semble pouvoir aller à l'encontre de ce totem tabou. «Nous sommes le seul pays développé où l'on voit de tels massacres aussi régulièrement», observait, à raison, Barack Obama en 2015 après une énième tuerie. Mais le président démocrate qui s'était adressé plusieurs fois à la nation, parfois ému jusqu'aux larmes comme après le massacre dans l'école primaire de Sandy Hook, n'aura pu faire changer les choses qu'à la marge. Même si 90 % des Américains se déclarent pour un meilleur contrôle de la vente d'armes, la possession d'un revolver ou d'un fusil d'assaut est ancrée dans les esprits, depuis au moins la conquête de l'Ouest. Ni les Républicains, ni même les Démocrates – hormis au niveau local dans certains états – ne semblent vouloir revenir sur ce fameux deuxième amendement, encouragés d'ailleurs par la puissante National Rifle Association (NRA), le lobby des armes, l'un des plus influents de Washington, qui dépense des millions de dollars pour soutenir ou dénigrer tel ou tel candidat.
Après chaque fusillade (Orlando, Sandy Hook, Las Vegas, Parkland…), beaucoup, et notamment les familles des victimes, pensent qu'il y aura un avant et un après. En vain !
Pour autant, pas à pas, les choses évoluent. Emma Gonzalez, rescapée d'une fusillade perpétrée en 2018 à Parkland en Floride, a su fédérer la jeunesse et la mobiliser pour des marches à travers tous le pays, sous les mots-clés #MarchForOurLives («Marchons pour nos vies») ou #NeverAgain («Plus jamais»). Figure du mouvement anti-armes, elle a marqué les esprits lors d'une grande marche le 24 mars 2018 à Washington, là même où, le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial, Martin Luther King lança son célèbre «I have a dream». Un pays moins armé, tel est aujourd'hui le rêve américain d'une jeunesse qui, demain, sera aux responsabilités.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 5 août 2019)