Comment nourrir 10 milliards d'humains d'ici 2050 tout en préservant la planète ? Voilà sans doute le défi mondial le plus important qu'ait jamais eu à connaître l'humanité. Pour faire face cet immense challenge, le Groupe international des experts sur le climat – ce fameux Giec connu pour ses alertes sur le réchauffement climatique – va rendre aujourd'hui à Genève un rapport très complet. Le résumé de cette analyse scientifique de 1 200 pages, d'une ampleur jamais égalée sur le sujet, approuvé par les représentants de 196 États, sera adressé aux pouvoirs publics pour les guider dans leurs prochaines décisions. Les alertes sur ce dossier, et notamment les différents scénarios d'évolution, sont toutefois déjà connues, grâce notamment au minutieux travail de la FAO, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Car l'agriculture apparaît comme le pivot du problème, à la fois sa source et sa solution.
Les systèmes agricoles à forte intensité d'intrants et de ressources qui ont entraîné la déforestation massive, la pénurie d'eau, l'appauvrissement des sols, la perte de biodiversité, la résistance aux antimicrobiens des ravageurs et des maladies ainsi que des niveaux élevés d'émissions de gaz à effet de serre ne peuvent pas garantir une production alimentaire et agricole durable, constatait ainsi la FAO dans son rapport «L'avenir de l'alimentation et de l'agriculture. Parcours alternatifs d'ici à 2050», paru, déjà, l'an passé. Mais l'agriculture est aussi la clé du défi alimentaire si elle parvient à changer son modèle en passant d'un système massivement chimique et mécanique à une agriculture agroécologique, adaptée au changement climatique.
Ce véritable bouleversement ne peut se faire qu'à au moins trois conditions. D'abord une prise de conscience globale qui dépasse le clivage entre pays « développés » et pays « en développement » pour adopter un point de vue neuf, universel. Ensuite, il faut de la part des gouvernements des choix politiques courageux, notamment en ce qui concerne la course au profit des multinationales de l'agroalimentaire, et de la part des agriculteurs et des populations les plus privilégiées des sacrifices, des renoncements à des habitudes de production et de consommation. Abandonner des cultures trop gourmandes en eau pour s'orienter vers d'autres plus adaptées à l'environnement des terres, lutter contre le gaspillage alimentaire, retrouver le rythme des saisons pour ne plus manger en plein hiver des fruits ou des légumes d'été venus du bout du monde, etc.
Enfin la troisième condition consiste à dégager les financements – forcément colossaux – pour réaliser les investissements nécessaires afin de chercher et développer de nouvelles technologies de culture, construire de nouvelles infrastructures logistiques pour réduire les pertes alimentaires ou encore favoriser des politiques solidaires pour lutter contre les inégalités et la pauvreté.
C'est au prix de cette révolution que l'humanité pourra relever le défi de bien nourrir tous ses membres.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 8 août 2019)