Benidorm. Photo Diego Delso |
En attendant d'en savoir plus sur les circonstances précises des agressions sexuelles et des viols présumés survenus dans la station balnéaire espagnole de Benidorm entre deux jeunes Norvégiennes et cinq jeunes Toulousains, il convient évidemment de rester prudent et d'éviter les commentaires à l'emporte-pièce. Toutefois cette affaire illustre deux phénomènes de société majeurs.
Le premier, ce sont bien sûr le harcèlement, les agressions sexuelles et les viols dont la prise en compte a connu – et c'est heureux – un bouleversement ces derniers mois. L'affaire Weinstein aux états-Unis et le lancement du mouvement #MeToo de libération de la parole des femmes (prolongé par #BalanceTonPorc en France) ont ouvert une nouvelle ère dans laquelle les harcèlements et les agressions sexistes contre les femmes (et parfois les hommes) qui étaient minimisés, tus, ignorés, moqués ne sont désormais plus tolérés. La société a pris conscience que ce que certains appelaient – et appellent encore – de la séduction, de la drague appuyée n'en étaient – et n'en sont – absolument pas et que lorsqu'une personne dit non à des avances sexuelles, c'est non. Ce respect du consentement, cette lutte contre toute forme d'agression – de l'insulte au viol – a conduit plusieurs états dont la France à prendre des mesures, notamment contre le harcèlement de rue.
Par ailleurs, si l'affaire de Benidorm suscite l'émoi en Espagne, c'est aussi parce que le pays s'était indigné l'an passé d'un verdict clément contre cinq accusés – qui se faisaient appeler «la meute» – d'un viol collectif perpétré durant les fêtes de Pampelune en 2016. Un vaste mouvement de protestation et de soutien à la victime, réuni sous la bannière «Yo sí te creo» (Moi, je te crois), avait conduit à la tenue d'un nouveau procès. Les cinq hommes ont été condamnés fin juin à 15 ans de prison pour ce viol collectif. Et le Code pénal devrait être amendé. Un vrai changement d'ère…
Le second phénomène que peut soulever cette affaire de Benidorm est l'alcoolisation excessive des jeunes – qui ne peut d'ailleurs excuser en rien les agressions sexuelles, certaines étant commises par des individus parfaitement sobres. Mais ce «binge drinking», ces bitures express dans lesquels certains voient comme un rituel sont lourdes de conséquences et posent un vrai problème de santé publique. À Benidorm justement, où l'alcool bon marché accompagne la fiesta de la jeunesse européenne en vacances, la municipalité avait interdit l'alcool et les fêtes nocturnes sur la plage… dès 2008. Mais ce «tourisme de la cuite» pour reprendre l'expression d'un ancien ministre catalan est loin d'être endigué. Plusieurs études européennes montrent une baisse de la consommation d'alcool chez les jeunes, qui seraient plus enclins désormais à «garder le contrôle»… sauf visiblement lorsqu'ils sont en vacances. Le changement d'ère ne semble pas là encore de mise…
Enfin, cette affaire doit permettre de souligner que les services de police en Europe ont su évoluer pour être davantage à l'écoute des victimes, pour mieux recueillir leurs plaintes et pour traiter plus rapidement ces dossiers qui bouleversent des vies.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 9 août 2019)