La mort en prison ce week-end du milliardaire Jeffrey Epstein, alors qu'il attendait que soit fixée la date de son procès pour exploitation sexuelle de mineures, électrise l'Amérique et la confronte à ses ogres et à ses démons.
Ces ogres, dont Epstein est le plus récent représentant, sont ces hommes de pouvoirs, d'influence, qui se sentent au-dessus des lois grâce à leurs relations, ces milliardaires qui peuvent embaucher les meilleurs avocats pour acheter le silence de leurs victimes, ces vedettes de cinéma, du sport ou de la télévision à la personnalité de Janus qui, souvent, ont inspiré la littérature ou le cinéma. Tous horrifient l'opinion… tout en la fascinant, dès lors que, leur chute survenue, ils se retrouvent dans les rouages d'une machine judiciaire américaine perfectible, qui peut être aussi implacable qu'étrangement conciliante.
Bernard Madoff, ce financier qui promettait des placements aux rendements en or et qui, en fait, escroqua et ruina des dizaines de stars, est de ces ogres-là. Harvey Weinstein, le producteur accusé de harcèlement sexuel et de viols par des dizaines d'actrices qui contribuèrent à lancer le mouvement de libération de la parole des femmes #MeToo, est aussi de ces ogres-là. Et que dire, donc, de Jeffrey Epstein, ce milliardaire jet-setteur dont les fantasmes et les frasques sexuelles l'ont conduit au trafic sexuel pédophile avec de jeunes filles aux Etats-Unis et peut-être aussi en France ? Un ogre lui aussi, conspué par une Amérique schizophrène, aussi puritaine sur la sexualité qu'elle peut être sans limites sur la pornographie, et qui a attendu les années 90 pour prendre toute la mesure des crimes pédophiles.
Mais si l'affaire Epstein affole aujourd'hui autant l'Amérique, c'est qu'elle se combine avec l'un de ses démons : le complotisme. Sans même attendre les conclusions de l'enquête sur la mort du milliardaire, les théories les plus farfelues ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Le carnet d'adresses d'Epstein, qui comprend de nombreuses personnalités politiques dont Donald Trump, Bill Clinton ou le Prince Andrew, y est pour beaucoup, qui nourrit tous les fantasmes sur le prétendu meurtre du milliardaire. Celui-ci s'expliquerait forcément parce que son procès aurait dévoilé les secrets de ses puissants amis… Des théories sans preuve auxquelles le président des Etats-Unis en personne vient d'apporter crédit en retweetant l'une d'elles qui, peu ou prou, accuse Bill Clinton d'avoir commandité le meurtre…
En faisant cela au lieu d'appeler à la pondération, Donald Trump détourne peut-être le regard de ses propres turpitudes, mais il enfonce un peu plus l'Amérique dans cette ère de post-vérité, dangereuse pour la démocratie, où les faits n'ont plus aucune importance, où la réalité se brouille et se dissout devant les caméras de télévision et dans les méandres des réseaux sociaux, où la croyance remplace le savoir. Assurément un autre démon…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 13 août 2019)
Ces ogres, dont Epstein est le plus récent représentant, sont ces hommes de pouvoirs, d'influence, qui se sentent au-dessus des lois grâce à leurs relations, ces milliardaires qui peuvent embaucher les meilleurs avocats pour acheter le silence de leurs victimes, ces vedettes de cinéma, du sport ou de la télévision à la personnalité de Janus qui, souvent, ont inspiré la littérature ou le cinéma. Tous horrifient l'opinion… tout en la fascinant, dès lors que, leur chute survenue, ils se retrouvent dans les rouages d'une machine judiciaire américaine perfectible, qui peut être aussi implacable qu'étrangement conciliante.
Bernard Madoff, ce financier qui promettait des placements aux rendements en or et qui, en fait, escroqua et ruina des dizaines de stars, est de ces ogres-là. Harvey Weinstein, le producteur accusé de harcèlement sexuel et de viols par des dizaines d'actrices qui contribuèrent à lancer le mouvement de libération de la parole des femmes #MeToo, est aussi de ces ogres-là. Et que dire, donc, de Jeffrey Epstein, ce milliardaire jet-setteur dont les fantasmes et les frasques sexuelles l'ont conduit au trafic sexuel pédophile avec de jeunes filles aux Etats-Unis et peut-être aussi en France ? Un ogre lui aussi, conspué par une Amérique schizophrène, aussi puritaine sur la sexualité qu'elle peut être sans limites sur la pornographie, et qui a attendu les années 90 pour prendre toute la mesure des crimes pédophiles.
Mais si l'affaire Epstein affole aujourd'hui autant l'Amérique, c'est qu'elle se combine avec l'un de ses démons : le complotisme. Sans même attendre les conclusions de l'enquête sur la mort du milliardaire, les théories les plus farfelues ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Le carnet d'adresses d'Epstein, qui comprend de nombreuses personnalités politiques dont Donald Trump, Bill Clinton ou le Prince Andrew, y est pour beaucoup, qui nourrit tous les fantasmes sur le prétendu meurtre du milliardaire. Celui-ci s'expliquerait forcément parce que son procès aurait dévoilé les secrets de ses puissants amis… Des théories sans preuve auxquelles le président des Etats-Unis en personne vient d'apporter crédit en retweetant l'une d'elles qui, peu ou prou, accuse Bill Clinton d'avoir commandité le meurtre…
En faisant cela au lieu d'appeler à la pondération, Donald Trump détourne peut-être le regard de ses propres turpitudes, mais il enfonce un peu plus l'Amérique dans cette ère de post-vérité, dangereuse pour la démocratie, où les faits n'ont plus aucune importance, où la réalité se brouille et se dissout devant les caméras de télévision et dans les méandres des réseaux sociaux, où la croyance remplace le savoir. Assurément un autre démon…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 13 août 2019)