S’il y a bien un épisode qui a traumatisé la classe politique française, c’est bien celui de la canicule de 2003. Il y a vingt ans, en effet, aux prémices de cet épisode identifié plus tard comme la vague de chaleur la plus forte qu’a connue la France métropolitaine depuis le début des mesures en 1947 et qui fera 15 000 morts, le ministre de la Santé Jean-François Mattéi était apparu à la télévision décontracté, en polo depuis son lieu de vacances, pour expliquer que le gouvernement n’avait nullement manqué d’anticipation. Peu importaient finalement les justifications, le décalage à l’image entre un ministre en vacances et ce que vivaient les Français était ravageur. Depuis, chaque gouvernement est sur le qui-vive tous les étés et lorsque Météo-France a annoncé la pire vague de chaleur ce mois d’août en France, le gouvernement a immédiatement réagi, la Première ministre Elisabeth Borne convoquant hier une réunion de crise interministérielle.
D’aucuns y verront bien sûr une opération de communication – c’en est une – mais en vingt ans, l’État comme les collectivités, Météo-France comme notre système de santé ont appris de la canicule 2003 pour améliorer notre appréhension de ces phénomènes. Dès 2004, Météo-France intègre le phénomène canicule dans ses bulletins de vigilance et peaufinera les années suivantes la prévision de température maximale pour la journée du surlendemain, qui est aujourd’hui aussi bonne que celle que l’on faisait il y a dix ans pour la journée du lendemain. Les collectivités ont multiplié les actions d’informations envers les séniors, les Ehpad ont mis en place des pièces rafraîchies, etc. En juin dernier, le gouvernement a présenté un nouveau plan national de gestion des vagues de chaleur pour en limiter les impacts sur la vie quotidienne des Français, assurer la continuité des services publics essentiels et de la vie économique, et protéger les milieux et les ressources naturels.
Un plan évidemment utile mais qui ne constituera vraisemblablement que la première étape d’une inéluctable adaptation du pays à ces vagues de chaleur qui vont se multiplier. En dépit des climatosceptiques et autres complotistes qui trouvent les cartes météo « trop rouges » à la télévision, le consensus scientifique mondial est implacable : le réchauffement climatique va conduire à de plus en plus d’épisodes de forte chaleur et de sécheresse. L’Organisation météorologique mondiale a établi que l’Europe se réchauffe deux fois plus que la moyenne mondiale depuis les années 1980, ce qui a des répercussions considérables sur le tissu socio-économique et les écosystèmes.
L’humanité est face à un double défi : tout faire pour limiter la hausse des températures et tout faire pour s’adapter à des changements qui ont déjà commencé. Et qui ont fait dire au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, que l’humanité avait quitté l’ère du réchauffement climatique pour entrer dans celle de « l’ébullition mondiale ».
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 18 août 2023)