Voilà une perspective qui va peut-être remettre du baume au cœur des vignerons français alors que les premiers coups de sécateurs des vendanges 2023 viennent d’être donnés dans les Pyrénées-Orientales. La France pourrait, en effet, redevenir la plus grande productrice de vin au monde, un titre que la vigne tricolore n’avait pas obtenu depuis 2015, se faisant devancer par la viticulture italienne. Selon les premières estimations établies au 1er août par Agreste, le service de statistique et de prospective du ministère de l’Agriculture, la production viticole française se situerait cette année dans une fourchette comprise entre 44 et 47 millions d’hectolitres, en baisse toutefois de 3 % par rapport à 2022. Elle devrait donc atteindre, voire dépasser, la moyenne des récoltes 2018-2022.
Si la France devance l’Italie, c’est que cette dernière s’attend à l’une de ses pires années, marquée par d’importants aléas climatiques (tempêtes, grêle, pluies…) et l’expansion du mildiou, qui devraient faire baisser de 14 % la production de vin. Baisse également de 12 % de la production espagnole dont les vignes affrontent de sévères vagues de chaleur.
Si la France récupère son titre, sa viticulture n’en reste pas moins fragile. La première des difficultés cette année est la propagation du mildiou. Ce champignon, qui se développe dans un contexte appuyé d’humidité et de pluie, affecte particulièrement les vignobles du Bordelais et du Sud-Ouest dans des proportions jamais vues – 90 % des vignes touchées en Gironde. La détresse des viticulteurs s’est accrue avec le refus d’indemnisation des assureurs, le mildiou étant exclu des contrats multirisques climatiques… Comme en Italie et en Espagne, la vigne française doit faire face aussi aux événements climatiques avec notamment une « sécheresse persistante » dans le Languedoc-Roussillon selon Agreste. S’ajoutent également d’autres problèmes comme la surproduction ou la réglementation sur l’usage des pesticides.
Mais la plus grave menace à long terme reste le réchauffement climatique. La hausse de 2° des températures, inéluctable d’ici 2050, va provoquer de profonds bouleversements : floraison et vendanges plus précoces, augmentation du niveau alcoolique, difficulté à irriguer en raison de la multiplication des sécheresses, etc. Les vignerons se préparent à faire face et à s’adapter à ces nouvelles contraintes en travaillant sur les cépages ou les techniques de culture. Dans les Corbières comme ailleurs, on expérimente ainsi de nouveaux cépages, on rappelle ceux qui avaient été écartés il y a 50 ans ou on redécouvre des cépages oubliés.
Gardien du cahier des charges des appellations d’origine, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), qui doit arbitrer depuis plusieurs années entre conservation de la tradition et nécessité de s’adapter, a fait un pas pour assouplir les règles. L’Institut a annoncé que 10 % des volumes issus de cépages expérimentaux pourraient être utilisés dans des assemblages au sein des appellations. Face au réchauffement climatique, il faut, d’évidence, repenser le vin pour qu’il continue de rester en France un élément essentiel de notre patrimoine gastronomique et de notre art de vivre.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 11 août 2023)