Après le technicien de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, et l’universitaire Pap Ndiaye, Emmanuel Macron a décidé, lors du remaniement de juillet, de confier l’Éducation nationale à un pur politique, Gabriel Attal, fidèle d’entre les fidèles et l’un des premiers à avoir rejoint En Marche en 2016. Charge au plus jeune ministre installé rue de Grenelle, à 34 ans, de faire oublier les errements de ses deux prédécesseurs : le dogmatisme et les obsessions de Blanquer, dont la réforme du baccalauréat a mis sous tension des enseignants avec lesquels le dialogue s’était rapidement et durablement rompu ; l’effacement de Ndiaye, qui n’a pas su trouver sa place et a dû endurer, avec une solidarité gouvernementale quasi-inexistante, les attaques souvent odieuses de l’extrême droite et d’une partie de la droite sur sa personne plutôt que sur son action.
Pour faire oublier ses prédécesseurs et imprimer sa patte sur un ministère réputé difficile, l’ambitieux Gabriel Attal a bien compris qu’il fallait marquer les esprits et gagner des points dans l’opinion à l’occasion de sa première rentrée scolaire.
D’où les deux annonces principales qui émergent d’une kyrielle de nouveautés pour cette rentrée scolaire : la révision en profondeur de la réforme Blanquer du baccalauréat et l’interdiction des abayas à l’école.
La première, habile, permet à Gabriel Attal de répondre aux revendications et aux inquiétudes des parents d’élèves et des enseignants qui alertaient depuis longtemps sur l’aberration de passer des épreuves de spécialités au mois de mars plutôt qu’en juin. La seconde permet au ministre d’affirmer fermement son positionnement sur le respect de la laïcité à l’école, aujourd’hui malmené, et de répondre à une demande d’interdiction majoritaire dans l’opinion, qui considère l’abaya comme un vêtement religieux. Politiquement, elle lui permet aussi de faire d’une pierre deux coups : envoyer un signal à la droite et notamment aux Républicains dont la Macronie espère toujours le soutien et mettre en difficulté la gauche, très divisée sur la question et toujours prête à s’invectiver sur le sujet.
Gabriel Attal pourrait toutefois rapidement se rendre compte que ces deux « coups » politiques vont avoir des conséquences en cascade. Si les épreuves de spécialités se passent en juin, Parcoursup ne pourra plus intégrer leurs notes et sera donc plus dépendant encore du contrôle continu. Sauf à engager de nouveaux ajustements aussi complexes que périlleux qui rouvriront l’épineuse question de savoir à quoi doit servir le bac. Sur l’interdiction de l’abaya, le ministre s’expose à de multiples recours qui pourraient faire traîner le dossier et à des polémiques à répétition.
En devenant capitaine du paquebot Éducation nationale, deuxième budget de l’État, Gabriel Attal va mesurer combien il est délicat à manœuvrer, entre revendications de l’équipage, les enseignants, et attentes des passagers, les élèves et au-delà la société. Surtout quand l’armateur, le président de la République, vient de décider, six ans après son entrée à l’Elysée, de faire de l’Éducation son nouveau « domaine réservé ».
Face à ce superministre qui l’a, de fait, placé sous surveillance, Gabriel Attal aura-t-il encore des marges de manœuvre ou saura-t-il en trouver ?
(Editorial publié dans La Dépêche du mardi 29 août 2023)