Il y a quatre ans, en répondant à la question « Que faire si l’on est antispéciste et que l’on est attaqué par des moustiques ? », le journaliste défenseur de la cause animale Aymeric Caron, aujourd’hui député La France insoumise de Paris, avait déclenché une belle polémique en prenant le parti du moustique et en expliquant qu’il s’agissait avant tout d’ « une mère qui risque sa vie pour ses enfants en devenir… » Buzz et empoignades assurés sur les réseaux sociaux. En plein été où les vacanciers veulent profiter de leur soirée, l’heure est rarement à la pitié envers ces satanés moustiques, notamment le moustique tigre qui conquiert l’hexagone, et tous ces insectes qui suscitent dégoût voire phobie chez certains.
Le moustique à la robe rayé noir et blanc n’est d’ailleurs pas la seule espèce invasive à laquelle nous faisons désormais face. Frelons asiatiques, mouches noires, tortues de Floride causent d’importants dégâts aux écosystèmes, y compris marins avec le crabe bleu, l’anodonte chinoise ou l’écrevisse de Louisiane qui prolifèrent, notamment en raison du réchauffement climatique qui bouleverse les milieux naturels, mais aussi des activités humaines. Les espèces exotiques envahissantes (EEE) introduites volontairement par l’homme, parfois par accident, parfois en enfreignant les réglementations, sont ainsi devenues « l’une des causes majeures d’appauvrissement de la biodiversité », selon le ministère de la Transition écologique. Pire, certaines espèces véhiculent des maladies comme le chikungunya, la dengue et Zika et soulèvent d’importants défis en termes de santé publique.
Mais derrière les problèmes des espèces invasives on trouve un sujet plus vaste, celui de l’effondrement de la biodiversité, cruciale pour l’alimentation et l’agriculture. Un million d’espèces animales et végétales, sur un total estimé à 8 millions, pourraient disparaître de la Terre dans les prochaines décennies si aucune mesure n’est prise pour freiner cette tendance selon la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). En France, sixième pays à héberger le plus grand nombre d’espèces menacées inscrites sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), sur plus de 12 500 espèces évaluées, plus de 2 300 espèces sont menacées, dont 660 espèces endémiques strictes.
Fin juillet, le gouvernement a détaillé sa nouvelle feuille de route pour préserver ma biodiversité, avec 264 millions d’euros de crédits supplémentaires à la clé en 2024. Ce plan doit permettre de mettre en œuvre l’accord historique – le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming – signé par près de 200 pays en décembre à Montréal, accord qui veut protéger au moins 30 % des terres et des mers d’ici à 2030.
Pour éviter un effondrement global que redoutent certains scientifiques, comme la crise d’extinction Permien-Trias, survenue il y a environ 252 millions d’années, et qui avait conduit à la perte de 95 % des espèces vivantes sur notre planète, il est urgent d’agir. La piqûre du moustique est avant tout une piqûre de rappel…
(Editorial publié dans La Dépêche du mardi 15 août 2023)