C’est la mauvaise nouvelle au cœur de l’été : de nombreux Français ont reçu une facture de régularisation de leur consommation d’électricité et se voient réclamer des centaines d’euros supplémentaires. Pour beaucoup, c’est d’autant plus incompréhensible qu’ils avaient fait des efforts de sobriété ces derniers mois et que leur consommation a baissé d’une année sur l’autre. Mais pas suffisamment pour compenser une électricité dont le prix a augmenté de 15 % en février et de 10 % le 1er août dernier.
Cette dernière hausse a mis le gouvernement dans l’embarras, accusé par les oppositions d’avoir menti, lui qui avait promis de plafonner la hausse à 15 % sur l’année. Sauf que cette hausse était prévisible puisqu’elle traduit une baisse de la prise en charge par l’État du bouclier tarifaire, qui a permis d’éviter une augmentation des factures d’électricité des Français de 35 % en 2022 et de 100 % en 2023. Le bouclier va continuer à prendre en charge 37 % de la facture réelle, contre 43 % précédemment, fait remarquer Bercy, qui rappelle que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) préconisait une augmentation de 74,5 % pour compenser la hausse des coûts énergétiques, ce qu’a refusé d’entériner le gouvernement.
Aussi logiques soient ces calculs, ils n’en restent pas moins douloureux pour des Français qui subissent toujours une forte inflation, particulièrement dans l’alimentaire. Cette électricité très chère impacte durement les foyers les plus modestes et les précipite vers une insupportable précarité énergétique. 27 % des Français ont déclaré avoir rencontré des difficultés pour payer certaines factures de gaz ou d’électricité, un taux qui monte à 50 % chez les 18-34 ans, selon les chiffres du Médiateur de l’énergie, qui réclame, à raison, l’instauration d’un « droit à une alimentation minimale en électricité » tout au long de l’année et non plus seulement pendant la trêve hivernale.
Mais ce qui est peut-être le plus insupportable pour les Français, c’est la formation même des prix de l’électricité. « Ces niveaux de prix ne sont pas cohérents avec les projections sur l’état de tension du système électrique français et apparaissent, en résumé, problématiques », euphémise RTE dans sa dernière note de perspective pour cet hiver. Les ménages et les entreprises paient, en effet, le kilowattheure au prix auquel il est produit dans la dernière centrale, souvent à gaz, mise en service pour répondre à la demande au niveau européen. Un prix qui serait bien différent s’il ne dépendait que de l’électricité produite sur notre sol, issue majoritairement du nucléaire et des renouvelables et très peu des hydrocarbures… contrairement à l’Allemagne qui a décidé de sortir du nucléaire en 2011 et tout miser sur le renouvelable et des énergies fossiles.
La France et l’Allemagne s’affrontent ainsi depuis des mois autour de deux visions de la réforme du marché européen de l’électricité qui veut contenir la volatilité des prix de l’électricité décarbonée. La France veut pouvoir financer la modernisation de son parc nucléaire quand l’Allemagne redoute de perdre sa compétitivité économique et pèse pour que les prix de l’électricité restent élevés.
Derrière la hausse des factures se joue ainsi une bataille politique franco-allemande à l’issue inconnue...