« Faire de la France un pays de propriétaires ». On se souvient de l’engagement qu’avait ainsi pris l’ancien président Nicolas Sarkozy tout au long de sa campagne électorale en 2007. Déjà à l’époque, cette promesse, qui substituait à la priorité de trouver un logement celui de le posséder, semblait difficilement réalisable, la France accusant un net retard sur ces voisins européens en termes d’accession à la propriété. Seize ans plus tard, elle s’éloigne encore un peu plus pour de nombreux Français, notamment ceux-là mêmes qui s’étaient retrouvés confinés dans de petits logements durant la crise sanitaire du Covid-19 et qui aspiraient légitimement à déménager pour un chez soi plus vaste, plus confortable voire plus économe et si possible avec un jardin.
Ce rêve de devenir propriétaire apparaît aujourd’hui de plus en plus compromis pour de nombreux ménages, comme pris en tenaille par des réalités implacables : d’un côté les taux de crédit ont singulièrement augmenté et durci les conditions des banques, et de l’autre le marché immobilier est toujours très cher.
Les crédits immobiliers restent pourtant le passage obligé pour qui veut devenir propriétaire. Comme le rappelle l’Insee, depuis 20 ans, les ménages recourent au crédit dans une proportion de 85 %, plus encore quand ils sont primo-acquéreurs (95,8 % d’entre eux y ont recouru entre 2002 et 2006). L’essor du crédit a donc accompagné celui des acquisitions dans les dix dernières années. Mais que faire lorsque les taux ne cessent d’augmenter ? On est passé de 1 % en 2021 à 4 % sur 25 ans aujourd'hui et cela pourrait continuer à augmenter.
Avec un crédit plus cher, les Français ont dû revoir leur projet à la baisse. Selon une étude de Meilleurtaux publiée fin juin, ils ont perdu en moyenne 5 mètres carrés dans les 20 plus grandes villes de France en six mois. La chute atteint même 25 mètres carrés entre janvier 2020, avant la crise du Covid, et juin 2023…
Mais il y a aussi les Français qui ont renoncé à leur projet car leur dossier, qui serait passé comme une lettre à la poste il y a trois ans, est aujourd’hui recalé par des banques frileuses qui ont très fortement serré la vis dans un contexte où l’inflation chamboule tout.
Second point, le niveau des prix du marché immobilier qui reste encore très fort. Les prix des biens immobiliers sont parfois très élevés au regard des revenus des habitants, limitant ainsi leur capacité d’achat, indique l’Insee qui note, par exemple pour l’Occitanie, que l’accès à la propriété est particulièrement difficile dans l’aire de Montpellier, plus encore que dans celle de Toulouse.
Au final, selon Eurostat, la direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique dans l’Union, la France est bien en dessous de la moyenne européenne pour la proportion de propriétaires : 64,7 % de Français sont propriétaires contre 69,9 en moyenne en Europe, 75,8 % en Espagne, 78,3 % au Portugal et 95,3 % en Roumanie.
Si l’on ajoute l’immense défi de la transition écologique que va devoir affronter le parc immobilier français, on mesure qu’en matière de logement, il faudrait une politique très ambitieuse d’accompagnement. Pour l’heure, on peine à la voir…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 14 août 2023)