Une bonne nouvelle au cœur de l’été ? Le pic de l’inflation semble passé et le niveau des prix s’achemine, peut-être, vers un plateau. Tel est l’enseignement de la dernière note de conjoncture de l’Insee. Sur un an, selon l’estimation provisoire réalisée par les statisticiens à la fin du mois de juillet, les prix à la consommation augmenteraient de +4,3 % en juillet 2023, après +4,5 % le mois précédent. Pour le quatrième mois consécutif, les prix dans l’alimentaire – ceux qui impactent très fortement le budget des ménages – sont en recul. Le 26 juillet, la Première ministre Elisabeth Borne avait d’ailleurs assuré aux Français que « le pic de l’inflation est sans doute derrière nous » et indiqué « attendre beaucoup des négociations en cours entre les industriels et la grande distribution », censées faire baisser les prix.
Un enthousiasme rapidement tempéré par Michel-Edouard Leclerc. Le patron des hypermarchés éponymes estimait lui qu’il «n’y aura pas de septembre vert, il n’y aura pas de baisses massives. Il y aura vraisemblablement des promotions qu’on est allé chercher avec les dents… » Car depuis la fin des négociations annuelles entre la grande distribution et les industriels de l’agro-alimentaire – qui s’étaient conclues en mars par une hausse annuelle des prix de 10 % – ces derniers sont sous pression pour renégocier leurs prix sans attendre le prochain round annuel. Les grandes enseignes comme le gouvernement veulent ainsi un retour à la table des négociations mais les industriels, accusés de profiter de la crise, semblent traîner des pieds. Là où les patrons des supermarchés plaident pour une négociation en continu tout au long de l’année, comme l’explique à La Dépêche Dominique Schelcher, PDG de Système U, Jean-Philippe André, président de l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania) rétorque que les industriels n’ont « pas de leçon à recevoir sur le niveau de hausse à passer » évoquant « une logique de réalité économique : vous avez une hausse de coûts, vous devez les passer », et donnant rendez-vous en mars 2024…
Les Français apprécieront. Car derrière les chiffres officiels, leur perception de l’inflation est bien différente quand ils passent à la caisse. Si l’Insee démontre un recul réel de l’inflation, il reste encore de l’inflation, particulièrement marquée dans l’alimentaire : +12,6 % de hausse des prix sur un an en juillet dont +10,4 % pour les produits frais et 13 % sur le reste de l’alimentation. La hausse des prix par rapport à la situation d’avant la guerre en Ukraine pèse donc toujours autant. Une part croissante de la population se trouve ainsi en précarité alimentaire et recourt aux structures d’aide, comme l’a montré une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) publié en mai dernier. Une précarité alimentaire qui touche surtout les jeunes, les femmes et les pauvres.
Ce qui fait dire à Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, que l’inflation de l’alimentation est « une bombe sociale très préoccupante pour les familles populaires ». Ce Département vient de créer un chèque alimentaire de 50 €. D’autres élus, comme le député MoDem Richard Ramos, plaident pour créer une Sécurité sociale de l’alimentation, seule à même de garantir une alimentation saine et durable pour tous, surtout par temps d’inflation…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 9 août 2023)